J’ai frotté mon museau aux semonces des songes
C’est ainsi
quand des visages
on s’absente trop longtemps
on cause chiffon avec le minéral
Il y a tant à raconter
pour s’éviter les pires
pirates et seigneurs de guerre
On délie des narrations de sciures
de bois secs
paroles d’anges ou d’absents
On interroge
le destin les insectes en hiver
cette flamme malhabile les matins de gel
la valeur d’une chimère
Je me balance d’un pied sur l’autre
pour me nourrir d’un semblant de chaleur
hoche du menton
parce qu’il faut bien donner le change
Et puis
c’est fou les cheveux tirés courts du jour
et les rideaux si vite
sur les papillons survivants
clos
Je range à la hâte ce que le froid torture
Bol chaud pour raviver le sang
et s’enquillent dans les doigts
des volées d’insectes
Maisons du silence
repliées en quatre
en deux
en solo
seule la face noire
à peine visible
quand on remonte la route du Col
Est-ce ainsi que l’hiver nous rend à la poussière
On entendrait les cordes
une sonate de Ludwig
Il y en a tant
Photographie Jean-Marc Feldman
Au revers des portes
l’inquiétude
et de notre fortune l’ubac
Par précaution
nous arrachons
aux lueurs des lunes pleines
plus de lumière que nécessaire
Balayer les miettes d’ondes
les cauchemars des pauvres gens
leur faire prendre l’air
pour du futur
conjurer le sort
Aborder la pente
de celles qui nous préparent au rugueux
le souffle sifflant des poumons d’automne
la faiblesse de l’être
qu’on mettra sur le compte
des froidures du matin
Et accorder notre flux au Flux
notre pouls au Pouls
Photographie Jean-Marc Feldman
Te souviens-tu des matins et des soirs
Nous regardions le grand frêne
Celui qui apparut au secret de l’an
imprécis et né du hasard des vents
à présent charnu
d’entrelacs exultant
bleu à l’aurore
orangé au couchant
Te souviens-tu de ce presque demi-siècle
qu’il nous montre du doigt
effeuillant notre existence ici-là
lissant les paumes du champ d’en face
pour assoir tout à fait sa présence
et la grande montagne
lui faisant place de choix
par derrière la fenêtre
Photographie Jean-Marc Feldman
Tout revêt un semblant de chamade
Entre abandon et assouvissement
les nuées hésitent
A l’éclaircie qui insiste
aux errances singulières
le portail s’ouvre
D’un bouquet de fleurs de pissenlits
elle habille cet instant
Élégance du pas qui sillonne la piste
et en lisière du vide
chaloupe
quand du fond et du fleuve
remontent assourdis les flonflons d’une vogue
Paillettes assoupies au bout du bras
qui maintient sur le fût couché
d’un hêtre
l’équilibre du pas
Et toujours intègre la mue d’une fleur
lorsque d’un élan
le pas traverse de pierre en pierre l’onde
Et la voici soudain immobile et songeuse
à pleine goulée aspirant la nature
avec dans le regard
l’esquisse d’une espièglerie
Je m’en remets alors
au prompt zéphyr
au vol éphémère des parachutes fruités
et dans son regard d’enfant
la jubilation