Rapi Ajax Search

ALOVESTI Donna

      Journaliste spécialisée dans le tourisme, Donna Alovesti, de son vrai nom Denise Cabelli a publié "Le Guide des hébergements insolites" en 2006. Elle a participé à des émissions de télévision, des articles lui ont été consacrés en France et à l'étranger, notamment en Russie et au Japon.

  Aujourd'hui journaliste indépendante, Denise Cabelli a entamé une correspondance avec un détenu serbe emprisonné à Monaco, puis en Autriche en tant que bénévole au sein d'une association engagée dans la formation à distance des détenus. Elle est l'auteur de "Comment Milos C. est entré dans ma boite à lettres".

"Comment Milos C. est entré dans ma boite à lettres" de Donna Alovesti EPILOGUE

📖 Revue épistolaire
📅 mercredi, 30 juillet 2025 17:01

EPILOGUE

   Que sont Milos et Donna devenus ?

   La vie réserve bien des surprises... Milos a été libéré. Il a rejoint le Monténégro, ce petit pays des Balkans bordé par l'Adriatique, en proie à la corruption, et dont le littoral est peu à peu saccagé sous les effets de la bétonisation à outrance.

   Anciennement ingénieur en génie civil, Milos a trouvé à s'employer dans... la construction. Etant donné sa situation, il n'a guère été en mesure de négocier ses conditions de travail dans un pays où, quoi qu'il en soit, la législation est rien moins que chaotique.

   Pour le moment, il n'est pas légalement autorisé à franchir les frontières de l'Union européenne.

   La correspondance avec Donna a laissé la place pendant quelques mois à quelques messages sur WhatsApp, quelques courriels et a subitement cessé. Aucune raison n'a été invoquée pour expliquer, justifier cette suspension. Temporaire ou définitive ? On l'ignore et c'est dans la douleur et l'incompréhension que Donna respecte cette décision sans poser de questions.

   Il est notoire qu'une fois libérés, les anciens détenus ont à cœur de tirer un trait sur leur passé. C'est compréhensible et prévisible...

   Un événement est venu bouleverser un scénario qui semblait écrit d'avance : Milos a suggéré à sa fille Nadja, 23 ans, étudiante en architecture à Paris, de prendre contact avec Donna qui l'a prise sous son aile. La suite de l'aventure reste à écrire...
En attendant, un livre audio sera bientôt disponible sur les plateformes spécialisées. A suivre !

 

  Composition Ivan Gjorgievsky

Denise Book Cover Final RGB PDF

"Comment Milos C. est entré dans ma boite à lettres" de Donna Alovesti (77/80)

📖 Revue épistolaire
📅 dimanche, 27 juillet 2025 15:42
                                                                   Episode 77/80                                                                                  

 

Paris le 23/1/2023 
 Donna Alovesti
119, rue des P.
75 Paris
Justizanstalt
Milos Ć. HNR, 176728
Leobersdorfer Strasse 16
2552 Hirtenberg – Autriche 

   Très cher Milos

   J'espère que cette lettre arrivera à temps avant votre départ... Je suis si heureuse, je pleure et je ris en même temps ! Je suis bouleversée. Je ne m'y attendais pas ! Milos, prenez soin de vous, saisissez la chance pour commencer une nouvelle vie remplie de joie et de bonheur. Vous le méritez ! Tout le monde fait des erreurs dans la vie et vous avez payé cher, très cher...

   N'oubliez pas ceux qui vous aiment, qui se font du souci pour vous et qui seront toujours présents à vos côtés, même séparés par la distance, par les frontières.

   Soyez prudent. Vous savez bien que même un animal, quand il a vécu en captivité, il lui faut du temps, pour revenir à l'état de nature. Les soigneurs qui s'en occupent procèdent par étapes pour qu'ils ne soient pas désorientés, perturbés, fragilisés, au risque d'être éliminés par les prédateurs à leur première sortie... Tout ce qui est dans mes possibilités, je le ferai. Soyez- en sûr !

   Accordez moi encore un instant. Cette fable fantaisiste, je vous la dédie.

   Vous savez ce qu'il advient des automobiles un peu anciennes et fragiles ? Même bien entretenues, même choyées, certaines vénérées même par les collectionneurs, il arrive qu'il faille (faut) changer une pièce abîmée, voire deux ou trois même. Problème : parfois on ne trouve plus la pièce manquante sur le marché. Ces pièces n'existent plus. Que se passe-t-il alors ? Il n'y a pas trente-six solutions : soit, de guerre lasse, la voiture part à la casse, soit on remet la réparation à plus tard et elle finit ses jours dans un garage, sous une bâche bientôt recouverte de poussière.

   À son retour, le conducteur du véhicule, qui s'est absenté pendant un certain temps s'interroge... Cette voiture lui plaisait bien. Il avait aimé la conduire, jouer avec le levier de vitesse, la pousser au maximum, puis rétrograder d'une manière un peu brutale, comme ça, juste pour le plaisir. Pendant plus de trois ans, il avait voyagé avec cette voiture. Il avait apprécié les petites routes pittoresques qu'ils avaient parcourues ensemble, guidés par le hasard, admiré les paysages inattendus qu'ils avaient découverts sur le chemin, écouté ses musiques préférées, le tango et le flamenco, des airs de son pays natal. Mais le temps avait passé et lui, était passé à autre chose. Tout cela demeurait dans un petit coin de sa tête. Tant d'événements s'étaient produits depuis... Sa vie avait été bouleversée... Que reste-t-il de tout ça ? Le conducteur ferme les yeux et se souvient.

Milos a été libéré le 23 février 2023.

 

  Composition Ivan Gjorgievsky

Denise Book Cover Final RGB PDF

"Comment Milos C. est entré dans ma boite à lettres" de Donna Alovesti (76/80)

📖 Revue épistolaire
📅 mercredi, 23 juillet 2025 15:27
                                                                   Episode 76/80                                                                                  

 

Paris le 15/1/2023 
 Justizanstalt
Milos Ć. HNR, 176728
Leobersdorfer Strasse 16
2552 Hirtenberg – Autriche
Donna Alovesti
119, rue des P.
75 Paris
 

   Cette fois je suis rapide comme l'éclair ! Deux semaines seulement après ma lettre précédente ! Vous n'en revenez pas !

   Pour être honnête, je n'avais pas l'intention d'atteler aussi rapidement la calèche du postier sur le trajet Vienne – Paris, mais c'est une « dépêche » hors série que je vous envoie en express, suite à une « notification » qui vient de m'arriver, cinq pages en allemand densément dactylographiées. La dernière page est ornée d'une signature et des nom, prénom, titres d'une éminente magistrate siégeant à la cour d'Appel.

   Trouver un traducteur à cette heure matinale alors que je suis en tenue, en direction de la salle de sport qui est de nouveau accessible... Je croise l'assistant social et lui tend les feuillets tout en poursuivant mon chemin. Aura-t-il le temps de me donner la traduction d'ici une heure ? je passerai à son bureau après mon entraînement.

   Je n'ai pas eu le temps de faire trois pas. Son regard s'est porté spontanément sur la dernière page et sur les quelques lignes en caractères gras. Il me crie en anglais : « Monsieur C., venez quand vous voulez, vous êtes maintenant un homme libre. »

   Je suis pris de vertiges, j'hallucine. Je me retourne pour le regarder, je ne le vois pas. Sous la poussée d'une forte décharge d'adrénaline, je bredouille, bafouille, bégaye, lui promet de revenir dans un moment...

   Mon souvenir est brouillé. Je ne suis pas sûr d'avoir bien entendu... Je ne peux pas maîtriser les battements désordonnés de mon cœur. Je le sens : il va jaillir de ma cage thoracique. Il bat aussi dans ma tête... J'avais prévu de faire une heure de musculation mais je ne suis resté qu'une demi-heure, soulevant avec rage une centaine de tonnes de plus que d'habitude, sans dire un seul mot aux habitués de la salle de sport qui se regardaient l'oeil en coin.

   Le temps de me calmer, me voilà maintenant assis dans le bureau de l'assistant. Il choisit soigneusement ses mots, m'assurant qu'il est lui-même surpris par les « attendus » de la décision dont je suis l'heureux bénéficiaire. Les statistiques ne jouaient pas en ma faveur et pourtant... « Après examen approfondi, il appert que toutes les conditions sont remplies pour une libération anticipée ».

   Coup de sifflet final qui met fin à la partie ! Je me suis levé et je n'ai pas pu m'empêcher d'embrasser le jeune homme avec plus de fougue qu'il ne l'aurait souhaité ! Il lui faut maintenant réserver un billet d'avion (aller simple), obtenir un document de voyage du consulat (mon passeport est expiré) et obtenir une attestation de la police qui s’occupe des étrangers concernant mon interdiction définitive d’entrer sur le territoire de la République d'Autriche. Une dizaine de jours en tout pour toutes ces démarches, on ne peut pas faire plus vite me dit-il et il hausse les épaules.

   Je ris, parce que plus rien ne presse, plus rien n'a d'importance ! À la grâce de Dieu ! Le jour venu, le haut-parleur du centre retentira : « Dernier appel au passager à destination de Belgrade sur le vol numéro ... » Un des camarades en uniforme ouvrira la porte de mon « oasis de paix » en tenant une boîte en carton à la main dans laquelle je rangerai quelques affaires personnelles visibles et un tas de souvenirs invisibles. Il m’informera que l'oiseau en acier stationne et m'attend.

   Cette lettre est donc la dernière perle du collier de souvenirs que vous avez collectionnés.

   Comment exprimer ma gratitude envers tous ceux qui ont été une source d'inspiration au cours de ce long voyage ? Et il y en a ! La police et le tribunal qui, avec leurs forces unies, m'ont offert ces vacances pluriannuelles et m'ont ainsi protégé de toutes les maladies chroniques de notre « société libre », moderne, tous les camarades en uniforme qui jonglent quotidiennement entre le monde parallèle et le monde réel offrant aux visiteurs en transit une hospitalité méritoire, mes voisins, collègues, coéquipiers, autant de spécimens authentiques illustrant la palette infinie, caractéristique de l'espèce humaine.

   Vous, madame, vous n'êtes pas sur la liste. Je remercie et salue ceux à qui je dis adieu. Vous n'avez pas cette chance ! Là où l'écriture se termine, l'histoire commence tout juste à vivre... Quand cette lettre sera entre vos mains, cette boîte en carton sera probablement entre les miennes et je trouverai la réponse à la dernière perle, je l'espère, un jour dans les pages d'un livre.

   Je vous embrasse et vous serre dans mes bras.

  Composition Ivan Gjorgievsky

Denise Book Cover Final RGB PDF

"Comment Milos C. est entré dans ma boite à lettres" de Donna Alovesti (75/80)

📖 Revue épistolaire
📅 dimanche, 20 juillet 2025 15:58
                                                                   Episode 75/80                                                                                  

 

Paris le 26/12/2022 
 Justizanstalt
Milos Ć. HNR, 176728
Leobersdorfer Strasse 16
2552 Hirtenberg – Autriche
Donna Alovesti
119, rue des P.
75 Paris
 

   Bon, nous allons essayer d'oublier le Père Noël qui n'a pas fait preuve de générosité cette année. Je ne suis pas le seul concerné. Des cadeaux sous forme de « bons de réduction » ont bien été distribués à certains mais il n'y en avait pas assez pour tout le monde...

   Pour aider les locataires mécontents à digérer la pilule, ils ont été invités à s'inscrire au prochain tournoi de basket et je passe de cellule en cellule pour prendre les inscriptions. Le moment est mal choisi, je suis reçu comme un chien dans un jeu de quilles... Après une petite semaine de bouderies, les gars ont fini par manger leur chapeau et les voilà qui viennent, tout penauds, postuler à la queue-leu-leu. En prévision, j'ai dû commander de nouvelles chaussures de sport. Les miennes sont près de rendre l'âme... Quelques jours plus tard, une « notification » de l'administration m'est adressée.

« Nous vous remercions sincèrement pour le soutien que vous nous apportez dans l'organisation du programme éducatif sportif, votre engagement personnel et votre désir de participer activement au tournoi de basket. Vous donnez une fois de plus un exemple positif dans l'organisation de la vie sociale de notre communauté, mais... »

   Ma commande ? « On ne peut pas, il n'y a pas ».

   Jointe au courrier, une fiche explicative pour se lancer dans l'aventure d'un achat dans le « monde réel ». L'acquisition d'équipements sportifs faisant partie des sujets sensibles et et à hauts risques pour la paix mondiale, le président du Conseil de sécurité des Nations Unies (au moins !) devra s'occuper personnellement de mes baskets, secondé par trois conseillers expérimentés et une personne responsable des « opérations spéciales » se chargera de l'approvisionnement et du transport...

   Quelques semaines après avoir rempli la fiche, je reçois enfin un « catalogue »... Deux modèles sont proposés : même matière, même forme, même prix, deux coloris : noir ou blanc. Simples, toilés, légers, prêts à être utilisés, pour un prix symbolique...

   OK, plus que suffisant ! Je coche la couleur noire, je note la taille et d'autres données personnelles et je patiente. Livraison prévue dans vingt jours... Un mois passe.

   Nouvelle notification, cette fois en majuscules et en caractères gras : « taille indisponible» ! Eh oui, désolé, je n'ai pas une pointure standard !

   Je range soigneusement les formulaires, notices, échanges administratifs infructueux, allume une cigarette, pose mes pieds sur la petite table et contemple le délabrement de mes vieilles baskets, tentant d'évaluer le restant de vie qu'elles pourront endurer. Je les ai achetées à Monaco avant de partir pour l'Autriche, après un long combat avec cette « merveilleuse » assistante sociale qui admirait tant votre prose.

    Je me souviens que lorsqu'elles étaient toute neuves, elles chantaient sous mes pieds, puis elles ont commencé à gémir, à bâiller de tous les côtés, et à la fin elles se sont tues. Sentant leur dernier souffle arriver, elles me supplient silencieusement de les mettre à la retraite. Vont-elles pouvoir me soutenir jusqu'à la fin de ce mois ?

   Pour me changer les idées, je me propose d'aller faire un saut chez « le coiffeur » histoire de rafraîchir ma coupe. L'homme de l'art n'a pas de prétentions car il a acquis son expérience « sur le tas ».

   Vu de l'extérieur, vous n'avez qu'une vague idée de l'existence et du fonctionnement du monde parallèle qui sévit en détention dans toutes les prisons de la planète. Ce monde parallèle a aussi son propre marché parallèle organisé selon des règles, elles aussi parallèles... Vous serez intéressée d'apprendre que l'on trouve tout sur ce marché. Vous avez besoin d'un article en coton ? Il y a. En laine ? Il y a. En plastique, en caoutchouc, en verre, en bois, en métal ? Il y a. 

   Les matières en poudre et substances d'origine naturelle sont les plus demandées...

   Selon la loi de l'offre et de la demande, les « taxes » peuvent grimper jusqu'à 1000%. Très populaires, les émissions de télé-achat proposent généralement des promotions : vous en payez une et vous en obtenez deux. Dans notre « boutique », c'est le contraire : vous en payez dix et vous en obtenez un.

   Malgré cela, le marché est en plein essor. Le mode de paiement est très flexible. Ça peut être en cash ou à crédit, ça peut être une compensation, une cotisation, une caution... tout est possible. Mais gare au mauvais payeur qui voudrait se dérober ! Ceux qui s'y essaient ont tôt fait de se retrouver à l'étage « spécial » où le souffle est maintenu grâce à un respirateur...

   Incidemment, M. Doré a subrepticement quitté notre communauté il y a quelque temps, sans tambour ni trompettes, il a juste disparu une nuit sans laisser de trace. Du moins c'est ce que je pensais... J'avais tort. Il a laissé un « héritier » avec lequel il communique régulièrement, Dieu sait par quelle combine, ce qui lui permet d'analyser en temps réel les études de marchés qualitatives et quantitatives sur tout type de produit ou de service qui lui sont transmises.

   Me voici arrivé au « salon de coiffure », m'attendant à ce que l'artiste commence à aiguiser les ciseaux ou au moins à désinfecter le rasoir après le rasage précédent.

   Ni l’un ni l’autre. Il s'assied, me regarde, évalue en silence. Quel type de coupe pour moi ? La coupe dite « mulet » (les cheveux se portent longs sur la nuque, mais courts sur les tempes et sur le dessus du crâne) ? la coupe militaire ? la « crew cut » rendue populaire par les équipes  d'aviron  universitaires  américaines ?  En  dégradé ?  Ou  alors  une « undercut » tendance (les cheveux sont laissés longs sur le dessus, tandis que les côtés – et souvent l'arrière – sont coupés courts.) ? Il me tend un épais catalogue. Contre toute attente, aucun best-of capillaire mais une encyclopédie exhaustive d'équipements sportifs. Toutes les marques sont représentées ! Je feuillette fébrilement la section « chaussures » et vite fait bien fait, met le doigt sur une photo illustrant l'article recherché. Prix « catalogue » : 50 euros. Le coiffeur secoue la tête avec désapprobation.

   Lui : On voit que tu es là depuis longtemps ! C'est un modèle ancien, Serbe ! Complètement démodé !

   Moi : Excellent ! Comme moi ! Passons à l'étape suivante. Combien ? M'attendant à une offre indécente, je fourbissais in petto mes arguments pour une négociation que j'espérais favorable au vu de mon ancienneté et de ma notoriété supposée au sein de l'établissement

   Lui : Pour toi Serbe, au prix coûtant.

   Pas de taxes ? Je regarde le trentenaire, les sourcils en point d'interrogation. Il sourit, pointe son index sur ses dents. Je comprends alors que cette faveur m'est consentie sur les instructions de M. Doré, au cas où je me présenterais opportunément à cette porte. Diable d'homme ! Il tient toujours toutes les cartes dans ses mains !

   Je glisse 50 euros dans la main du coiffeur-vendeur et j'ajoute encore 50 « pour les frais de port, le café et les cigarettes ». Livraison promise dans un délai de 7 jours maximum.

   Ça n'a pas traîné ! Trois jours plus tard, l'article est déjà là, bien emballé dans sa boîte d'origine. Ne manque que la facture, mais ce serait un luxe !

   Cette équipe fonctionne aussi bien si ce n'est mieux que chez Amazon. Jeff Bezos pourrait les engager dans les nouveaux programmes de développement de l'entreprise ! Et voilà, je suis maintenant prêt et équipé pour le tournoi de basket qui s'annonce ! Elle est pas belle la vie ?

   Pas pour tout le monde... Vous vous souvenez de M. Anaconda, le petit gitan hongrois qui avait défrayé la chronique dans les douches ? Il désirait s'inscrire, bien qu'il lui manque au moins un mètre de hauteur pour avoir une chance de mettre le ballon dans le panier, quelle que soit la taille de la protubérance qui l'a rendu célèbre... Un peu d'activité l'aurait aidé à sortir de son état dépressif actuel, suite à la perte de son emploi de chef jardinier. Mais sa requête n'a pas été acceptée. Il est puni, soupçonné d'avoir volé trois ou quatre poivrons. Il attend son procès et cent ans de prison supplémentaires. Et s'il est prouvé qu'il s'agissait des piments, peut-être deux cents ...

   À bientôt chère dame ! Promis : PD3M ! Il n’est pas impossible que mi-janvier vous receviez la dernière perle pour compléter votre collier, souvenir d’une surprise que la vie nous réserve parfois. J’espère sincèrement que nous créerons un nouveau collier pour embellir le décolleté d’une femme séduisante.

Votre HSB

  Composition Ivan Gjorgievsky

Denise Book Cover Final RGB PDF

"Comment Milos C. est entré dans ma boite à lettres" de Donna Alovesti (74/80)

📖 Revue épistolaire
📅 mercredi, 16 juillet 2025 10:36
                                                                   Episode 74/80                                                                                  

 

Paris le 30/10/2022 
 Donna Alovesti
119, rue des P.
75 Paris
Justizanstalt
Milos Ć. HNR, 176728
Leobersdorfer Strasse 16
2552 Hirtenberg – Autriche 

Cher Milos

   J'attends anxieusement de vos nouvelles...

   J'ai commencé à me préparer au « sevrage » auquel il faudra que je me résigne lorsque la décision de votre libération tombera, abandonner le rituel auquel je me livre et qui me procure tant d'adrénaline et de plaisir.

   Ecrire, mettre la lettre dans l'enveloppe, courir à la poste, coller le timbre, se renseigner sur l'heure des levées, jeter l'enveloppe dans la boîte, et attendre.

   Un mois, deux mois, trois mois.

   Tous les matins descendre les étages, ouvrir fiévreusement la boîte à lettres, ramasser le paquet de journaux, les factures, l'inévitable paperasse administrative et de temps en temps... trop rarement... une lettre dont je reconnais immédiatement l'écriture...

   Vous m'avez promis des colliers de perles. Je les attends même si je suis consciente que les probabilités sont minces, la vie est dévorante et le temps est compté.

   Tiens, parlons-en du temps ! Le temps n'est pas mon ami. Sans doute pas non plus le vôtre ! Pour moi, il s'écoule trop vite, pour vous c'est le contraire : il passe trop lentement... Peut-être connaissez-vous cet adage si cruel : « Vulnerant omnes, ultima necat ». Comme je ne sais toujours pas si vous êtes latiniste ou pas (encore une question restée sans réponse...), voici la traduction : « Chaque heure qui passe blesse, la dernière tue »...

   Dans le même esprit, mais un peu plus joyeux, je vous invite à écouter lorsque vous le pourrez « qui zàs, qui zàs, qui zàs » un « tube » des années 60 mondialement connu, interprété à l'époque par Nat King Cole : « Y así pasan los días ». Et ainsi passent les jours....Il n'a pas pris une ride et de génération en génération, des jeunes musiciens se le réapproprient à leur manière.

   Aujourd'hui, et j'espère pour un moment encore, je suis « présentable ». Mais j'ai ma dignité et un amour-propre démesuré... Je ne vous fais pas un dessin...

   Gardez le moral, Milos ! Je vous embrasse

  Composition Ivan Gjorgievsky

Denise Book Cover Final RGB PDF

"Comment Milos C. est entré dans ma boite à lettres" de Donna Alovesti (73/80)

📖 Revue épistolaire
📅 dimanche, 13 juillet 2025 10:19
                                                                   Episode 73/80                                                                                  

 

Paris le 30/10/2022 
 Donna Alovesti
119, rue des P.
75 Paris
Justizanstalt
Milos Ć. HNR, 176728
Leobersdorfer Strasse 16
2552 Hirtenberg – Autriche 

Cher Milos

   Aujourd'hui je vais enrichir votre vocabulaire avec deux nouvelles expressions.

   Est-ce que vous avez « fumé la moquette » ou quoi ? Je ne sais pas s'il y a de la moquette dans votre petit paradis … « Fumer la moquette » c'est l'état d'esprit des fumeurs d'herbes « aromatiques » Vous délirez, vous dites n'importe quoi ! De quel cerveau fumeux émane ce nouveau concept « mathématico-moral » ?

   Bravo vous avez réussi à me faire « sortir de mes gonds »... Autrement dit, me mettre en colère. Bien sûr que j'ai chargé le pistolet mitrailleur ! Ne me parlez plus jamais du « prix de la traduction ». Ça n'est pas votre affaire, c'est la mienne, ça ne vous regarde pas ! Vous devriez avoir honte ! La salle de sport et fermée, ça tombe bien ! Pliez en quatre votre 1, 95 m et cachez-vous sous votre petite table comme font les contorsionnistes dans les cirques ! Tant pis pour le torticolis, ça vous fera les pieds ! c'est bien fait pour vous !

   Pour mettre un peu d'ordre dans ma tête, je me suis attelée à la calligraphie, dans l'espoir qu'un jour, vous voudrez bien dessiner pour moi le ductus de la lettre M de votre prénom. Vous qui êtes un grand sportif, saviez-vous que la calligraphie est associée au judo dans les philosophies orientales ? J'ai lu quelque part que le tracé de la lettre exige une maîtrise de la respiration, une extrême concentration. Le calligraphe comme le judoka, répètent leur geste dans leur pleine conscience. Ils doivent anticiper les proportions, les courbes, l’intensité du plein, la délicatesse du délié, la descente et la remontée qui nécessite des jours et des jours d’entraînement. Ça me fera du bien...

… Votre silence me laisse penser que vous êtes toujours dans l'attente d'une décision favorable à votre élargissement... Après toutes ces années, vous allez enfin retrouver et étreindre vos deux anges. Je me plais à imaginer ces retrouvailles.

   Lorsque vous les avez quittés, ils étaient encore des enfants. Ce sont maintenant des jeunes gens. Que savez-vous d'eux ? Que savent-ils de vous ?

   On a raconté et écrit beaucoup de choses sur les anges... Je les aime particulièrement dans leur version italienne, les putti, souvent associés à l'allégorie de la Justice...

   Les anges sont comme les enfants. Ils adorent qu'on leur raconte une histoire particulière, même lorsqu'ils sont devenus grands, même lorsqu'ils sont devenus adultes, même quand ils sont devenus vieux.

   Tous les soirs, avant d'aller dormir, ils attendent l'histoire, une histoire sans fin qui les touche, qui les émeut parce que c'est LEUR histoire. Ils en ont besoin pour grandir, pour aimer, pour pardonner.

   Je peux vous parler de mon expérience intime, Milos, parce que dans ma propre famille, j'ai été privée de l'histoire à laquelle j'avais droit, à laquelle tout enfant à droit.

   Pas pour les mêmes raisons que vos deux anges, bien sûr, mais ça revient au même.

   Trop douloureux, impossible de mettre les mots. Et pourtant, on n'en a jamais fini avec cette quête (soif de savoir).

   Et je souffre toujours, encore aujourd'hui, de ce silence que personne, jamais, ne pourra combler (remplir). Jusqu'à la fin de ma vie, je chercherai des réponses que je ne trouverai jamais. Je serai toujours face à un trou noir.

   Milos, aurez-vous le temps, la volonté, la capacité, saurez-vous trouver les mots pour leur raconter à haute voix ce qu'ils auront envie de savoir, ce qu'ils ont besoin de savoir ? Ce qu'ils ont le droit de savoir ?

   Si nous nous avions pu réaliser ce travail ensemble, cela aurait été tellement riche, tellement réparateur pour tout le monde : pour vous, pour vos anges et pour moi.

   Mettre toute cette histoire en mots, c'est aussi une manière de mettre l'émotion à distance avec l'avantage, en plus, d'avoir recours à une intermédiaire « neutre » (plus ou moins...) pour faire le travail.

   Si j'y attache tant d'importance, ça n'est pas sans raison. C'est évidemment en rapport avec ma propre histoire. C'est comme si, en faisant ce récit, je faisais, pour vous, ce que j'aurais aimé que quelqu'un fasse (fît ?) pour moi.

   À bientôt des bonnes nouvelles j'espère.

  Composition Ivan Gjorgievsky

Denise Book Cover Final RGB PDF

"Comment Milos C. est entré dans ma boite à lettres" de Donna Alovesti (72/80)

📖 Revue épistolaire
📅 mercredi, 09 juillet 2025 10:39
                                                                   Episode 72/80                                                                                  

 

Paris le 4/10/2022 
Justizanstalt
Milos Ć. HNR, 176728
Leobersdorfer Strasse 16
2552 Hirtenberg – Autriche

Donna Alovesti

119, rue des P.
75 Paris 

   Chère amie

   Après plusieurs jours sombres de pluie et de vent, une nouvelle journée vient de pointer son nez, une journée lumineuse et chaude. Un temps automnal idyllique ! J’ai tout de suite utilisé mon droit pour courir pendant une heure sur la pelouse, à présent recouverte de feuilles jaunes tombées des châtaigniers environnants. Puis, j’ai pris une douche rapide (à l’eau froide), je me suis consolé en me disant que cette gymnastique agit merveilleusement sur mon système cardiovasculaire. Je rejoins ma « chambre » et je m’assois au milieu de celle-ci cherchant à capter les derniers rayons de soleil de l’année qui pénètrent à travers la fenêtre ouverte. C’est un rituel qui s’effectue entre 15h et 16h (ce n’est possible qu’à ce moment-là), car cette grande étoile de lumière qui règne sur nos vies continue sa course. Elle part réchauffer d’autres hôtes de ce centre, orientés différemment. Mais après tout, ce n'est que justice ! Eux aussi ont droit à un rayon de soleil !

   Les barreaux de la lucarne sont assez épais et indéboulonnables, vous vous en doutez. Je dois me déplacer centimètre par centimètre pour capter la lumière déclinante, me transformant en cadran solaire. En fonction de la position que j’occupe dans la pièce, je connais l’heure exacte. Bon, je peux me tromper de quelques minutes, ce qui s'explique par le fait que je suis serbe et non suisse... Vu la dimension exiguë de la pièce, je finis la séance d'exposition dans une posture garantissant une scoliose chronique prochaine. Pendant quelques instants, mon regard est encore attiré par le paysage, une colline au loin, recouverte de pâturages qui, à cette période de l’année, dégage une énergie sereine, mettant en valeur la sonorité cristalline de la nature. Pas de sentiment de révolte en moi. J'ai ma technique pour accepter la situation. Surtout ne pas lutter, ne pas se révolter. Pour ne pas avoir encore plus mal.

   D'une certaine manière, mon ancienne vie, agréable et confortable, m’avait anesthésié. L’incertitude, l’inconfort maximal, l'isolement de tout m’ont offert une autre vision de la vie. Mon corps s'est transformé en une sorte de machine, mon cerveau est en permanence en alerte, prêt à réagir et à tout enregistrer instinctivement, comme un animal.

   Vous vous plaignez de ma lenteur à vous écrire. Il est vrai que je suis un réel procrastinateur. Soyez quand même consciente que, vu la quantité de ce que j'ai déjà produit, c’est un record en soi dans ma carrière en expression écrite ! Votre gimmick « PD3M » avec lequel vous ponctuez vos lettres restera ad vitam dans ma mémoire !

   J'ai quelques excuses. Dans la série « ma vie en prison », sachez que cela fait plus d’un mois que nous n’avons plus la possibilité de nous rendre à la salle de sport. Pourquoi ? Comment ? Jusqu’à quand ? On se perd en conjectures. On suppose qu’il s’agit de travaux gigantesques avec une date butoir indéfini. Cela veut dire : « Les gars, débrouillez-vous tout seuls comme vous pouvez ! ».

   Je fais partie de ces « gars » qui ont ce besoin vital de dépenser leur énergie à la fin de la journée de travail. Maintenant, après la fermeture solennelle des portes, je n'ai pas d'autre choix que de transformer ma chambre en petit espace de supplice. Je déplace aussi habilement que possible lit, petite commode, table et chaise agencés selon le principe des briques Lego pour faire de la place et étirer mon corps en rythme. Tout se termine avec un repas léger et avec la lecture de quelques pages des livres fraîchement arrivés (cette fois-ci l’administration a été rapide). Puis, la nuit me rappelle à l’ordre pour étendre mon corps malmené et à remettre l’écriture pour un autre jour...

   Une autre raison retient ma plume. Elle est de nature « mathématico-morale ». Il est clair que chaque page traduite exige une rémunération. En moyenne, 5-6 pages par lettre, dix fois par an, pendant trois ans... Le compte est assez simple à faire, même pour ceux qui ne sont pas forts en calcul. Ma conscience exige que je trouve la juste mesure dans le cadre d’une politesse élémentaire. Est-ce que je mérite tous ces sacrifices ? Bien sûr, vous allez maintenant tirer une rafale pour réfuter cette conclusion, mais croyez-moi, aucune raison n'est suffisamment convaincante pour changer la situation factuelle sur le terrain. Alors économisez vos munitions !

P.S. Je ne peux vous envoyer de baiser aujourd’hui : j’ai mangé de l’ail...

  Composition Ivan Gjorgievsky

Denise Book Cover Final RGB PDF

"Comment Milos C. est entré dans ma boite à lettres" de Donna Alovesti (71/80)

📖 Revue épistolaire
📅 dimanche, 06 juillet 2025 10:23
                                                                   Episode 71/80                                                                                  

 

Paris le 30/9/2022 
Donna Alovesti
119, rue des P.
75 Paris
Justizanstalt
Milos Ć. HNR, 176728
Leobersdorfer Strasse 16
2552 Hirtenberg – Autriche 

   J'ai bien reçu votre dernière lettre. Ca n'est pas exactement ce qu'on pourrait appeler une « valse »... Je pense plutôt à une « élégie », l'expression de sentiments mélancoliques, une plainte douloureuse dissimulée (cachée) derrière votre ironie coutumière. Je comprends votre désarroi. Tous ces ratés, ce gâchis...

   Le récit de votre rencontre virtuelle avec le magistrat à barbichette m'a accablée, déprimée même. Je partage votre tristesse. Je sais aussi que vous allez la surmonter.

   À titre de consolation, j'ai eu envie de vous envoyer un poème dédié à Diego Maradona. Comme je sais que vous aimez le foot, vous serez sûrement sensible à ce monologue qui lui est consacré pour honorer sa mémoire par Rodrigo Garcia. Je vous en livre quelques extraits
 
« Je veux être Diego Maradona »
 

… Faire tout ce que je veux et m'en vanter (me glorifier, me flatter). Je veux être Diego Maradona pour bouffer (familier = manger) une paella tard dans la nuit après avoir promis de reprendre l'entraînement. Je veux me faire arrêter à Séville pour excès de vitesse et lancer au flic : « Je suis Maradona et je vais arriver en retard au match ».

   J'ai besoin qu'on m'aime comme Diego Maradona a besoin qu'on l'aime.

   Je veux être comme Diego Maradona pour tout vivre, absolument tout, avec la même intensité. Je veux connaître cette relation avec les millions d'inconnus qui viennent te toucher.

   Je veux être vraiment jeune, vraiment vieux, vraiment gros, vraiment défoncé (complètement drogué), vraiment motivé, vraiment amoureux, vraiment désenchanté, et être tout aussi transparent même entouré de clowns de fantômes d'opportunistes (personnes intéressées, profiteurs).

   Je veux être Diego Maradona pour inviter mes amis à toutes sortes d'excès, des excès du corps et de la tête...

   Je veux tuer les journalistes qui viennent m'arracher à moi, Diego Maradona, des propos stupides, sensationnels, irréfléchis.

   Je veux être comme Diego Maradona, vivre une vie de débauche (immorale, impudique, indécente), défendre la tradition et en même temps l'assaisonner d'huile et de sel et dévorer le tout, démolir la Terre entière rien que pour moi, cracher sur tout ce qui m'entoure, me vidanger la vessie n'importe où […].

   Je veux être Maradona pour donner le mauvais exemple, le pire exemple, pour que chacun croie que la vie qu'il mène, qu'il a menée et qu'il mènera n'est pas une vie médiocre, inexpérimentée, vide d'expériences mais au contraire quelque chose de louable... Etc.

   Je trouve ce texte très beau, très émouvant. Puisse-t-il vous bercer et apaiser vos tourments.

PS : ne partez pas d'avance perdant concernant la procédure d'appel. Le pire n'est jamais sûr !

Je vous embrasse

  Composition Ivan Gjorgievsky

Denise Book Cover Final RGB PDF

"Comment Milos C. est entré dans ma boite à lettres" de Donna Alovesti (70/80)

📖 Revue épistolaire
📅 mercredi, 02 juillet 2025 07:00
                                                                   Episode 70/80                                                                                  

 

Paris le 9/9/2022 
Justizanstalt
Milos Ć. HNR, 176728
Leobersdorfer Strasse 16
2552 Hirtenberg – Autriche
Donna Alovesti
119, rue des P.
75 Paris
 

   

   Pour une surprise c'en est une ! Mes deux marraines se sont enfin rencontrées ! Cela devait se faire. J'aurais voulu être une petite souris et assister à ce tête-à-tête, écouter tous vos bavardages... Ça me rend vraiment heureux !

   Concernant le destin qui m'est réservé, j'espérais pouvoir vous donner des réponses mais « quand ? » reste encore un secret bien gardé de monsieur le juge. Une rencontre a eu lieu la semaine dernière en visioconférence. Lui se trouvait quelque part, à Vienne, et moi dans la petite salle d'audience de Hirtenberg. Le vieil homme, maigre et dur, au seuil de ses 80 ans, semblait bien décidé d'appliquer la justice, rien que la justice.

   Il m'entend à peine et ne voit presque rien ( mais ne dit-on pas que la justice est aveugle ?). Il écoute le traducteur qui lui fait part de ma demande de mise en liberté conditionnelle. Il feuillette le dossier page à page, il prend son temps, me regarde attentivement, soupire, se prend la tête entre les mains, caresse sa barbe soigneusement taillée jaunie de nicotine... Après dix minutes de torture mentale :

Lui : Je ne peux pas…quand même ! On se trouve là face à un crime grave réalisé de manière très inhabituelle et vous avez déjà bénéficié de remises de peine. Imaginez si je réduisais encore votre peine, s'il vous plaît, quel exemple donnerais- je aux autres !

Moi (soupir) : Bon, alors si c'est pour montrer l'exemple... Lui (satisfait) : Enfin quelqu'un qui me comprend !

   Il s'est fait son opinion. Au fond, l'environnement semble me convenir, j'ai l'air en bonne forme, le teint hâlé, je participe à l'animation et au maintien du lien social, je suis très apprécié par le personnel ... Ce serait dommage de partir avant l'heure !

   Je hoche la tête, hausse les épaules... Mais oui bien sûr ! Tant que vous n'êtes pas réduit à l'état d'épave humaine, mentalement épuisé, physiquement ruiné, vous n'avez rien compris à l'essence de la peine de prison !

   Après cette longue analyse suivie d'une courte conclusion, les symptômes de notre dépendance nicotinique se manifestent. Me levant de la chaise et sortant un paquet de cigarettes de la poche de mon pantalon, j'ajoute : « Je serais heureux de vous en offrir une mais malheureusement, nous sommes victimes des méthodes modernes du travail à distance. »

   Il tend instinctivement la main et souriant, lâche : « Peut-être à une autre occasion ». Une prochaine réunion est fixée d'ici à trois mois. J’ai déposé un recours contre la décision du juge à barbichette. Il faut maintenant attendre et suivre la procédure mais je n'ai guère d'illusions...

   Votre prochaine lettre est attendue, comme une touche de douceur seule capable de chasser la tristesse qui m'envahit.

   Votre HSB

  Composition Ivan Gjorgievsky

Denise Book Cover Final RGB PDF

"Comment Milos C. est entré dans ma boite à lettres" de Donna Alovesti (69/80)

📖 Revue épistolaire
📅 dimanche, 29 juin 2025 07:00
                                                                   Episode 69/80                                                                                  

 

Paris le 9/9/2022 
Donna Alovesti
119, rue des P.
75 Paris
 
Justizanstalt
Milos Ć. HNR, 176728
Leobersdorfer Strasse 16
2552 Hirtenberg – Autriche 

  Cher ami,

   Une fête a eu lieu en votre honneur... à Monaco où je je me suis rendue pour deux jours à la rencontre de Michèle. La décision a été prise ex abrupto, je n'ai pas eu le temps de vous en parler. J'étais très excitée à la perspective de cet événement. Monaco... Quelle émotion ! Michèle et moi nous sommes tombées dans les bras l'une de l'autre. Cette Michèle... Je n'ai pas les mots pour la décrire. Cette bonté, cette sincérité qui émane (rayonner, irradier) d'elle, c'est unique. Je pense que vous en êtes conscient, Milos.

   Pour moi, c'est comme une récompense, un cadeau qui m'a été offert grâce à vous. Nous avons passé une journée intense à nous promener, à parler de nos vies, de nos soucis, de nos regrets, à parler de vous. Il n'y avait pas de place pour le silence, nous avions trop de choses à nous dire. Et c'était comme si nous étions amies depuis toujours. Aucune gêne, aucune réserve entre nous ! Je vous assure que c'est une expérience étonnante, presque indescriptible. Figurez-vous que j'ai passé mes deux nuits dans une chambre d'hôtes, autrement dit un « bed and breakfast », une jolie petite maison magnifiquement située avec vue sur la mer, à quelques dizaines de mètres de l'appartement de Michèle.

   Bien entendu nous avons fait un pèlerinage sur les lieux de votre ancienne résidence.

   Quelle surprise. Ce n'est pas du tout ce que j'imaginais ! Deux jours, c'est très court...

   Est-ce que j'aurai la chance de la revoir ? Je l'espère. Nous avons fait des plans, essayé d'imaginer « l'après », comme deux gamines (petites filles). Est-ce qu'il (HSB) sera bientôt libre ? Où ira-t-il ? Que fera-t-il ?

   Voilà cher ami, ces quelques mots en attendant fébrilement (anxieusement, avec fièvre) votre lettre.

Donna

  Composition Ivan Gjorgievsky

Denise Book Cover Final RGB PDF