BROUILLET Emma

Coronachronique N°41 7/5/2020

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📅 mercredi, 06 mai 2020 17:16

Coronachronique N° 41 (7/5/2020)

Texte et dessins d’Emma Brouillet

                     Au début du confinement je suis entrée dans un  vortex peuplé de créatures familières et bienveillantes avec lesquelles je communiquais par ondes électromagnétiques.

                    J'y ai aussi croisé d'étranges volutes poétiques sorties de mon imaginaire fécond. J'ai navigué entre réalité et fabulation.

                    Il a fallu lutter contre mes  gorgones intimes, se battre contre l'invisible. Et pour se faire,  fixer un cadre et s'y tenir. Que celui ci fut d'un tableau ou d'un emploi du temps.

                    Manger à heure fixe, essayer de dormir, travailler,  sans oublier d'ouvrir sa fenêtre, de regarder vers l'horizon, tendre l'oreille au moindre murmure de la ville interdite.

                    Je quitte cette vie suspendue toute interrogative,  emportant avec moi de drôles de sensations sur lesquelles il faudra revenir.

                    Pour l'heure j'ai envie de courir, de marcher pieds nus dans l'eau, envie que le vent me décoiffe, de serrer dans mes bras mes vivants.

 Textes de Charles Baudelaire, Pierre de Ronsard, René Char.

 

 DB dessin Baudelaire

 

Guidé par ton odeur vers de charmants climats,

 Je vois un port rempli de voiles et de mâts

 Encor tout fatigués par la vague marine,

 

 DB dessin série 2.1 redressé

 

Ma langue sinon vous ne sait autre langage,

Si je souhaite rien vous êtes mon souhait,

Et seulement en vous tout mon rond se parfait.

 

DB dessin René Char

 

Il cherche son pareil dans le vœu des regards.

L’espace qu’il parcourt est ma fidélité. (…)

Je vis au fond de lui comme une épave heureuse.

A son insu, ma solitude est son trésor.

Dans le grand méridien où s’inscrit son essor, ma liberté le creuse.

 

Coronachronique N°33 27/4/2020

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📅 dimanche, 26 avril 2020 16:08

Coronachronique N°33 (27/4/2020)

 

Emma BROUILLET

                C'est quoi un confinement ? Je suis née avant ou pendant ? Et c'était quoi mon métier d'avant ? Ah parce ce que j'ai pas toujours fait ça ? Ah bon ! J'aime bien pourtant.

                Lever, lavage de dents puis direction cuisine, thé et tartines, parfois de la confiture mais pas tant ! Ouvrir en grand les fenêtres pour respirer le vent face à la colline comme à la proue d'un navire filant... tailler les crayons, non ! M'habiller avant... puis ranger les gommes dans le frigo, en sortir les feuilles de canson, Non ! Non ! > Je reprends.

                Eliminer les traces du vivant sur la table de cuisine, ranger tout bien dedans le frigo le beurre mais pas le miel.

                Aligner face à moi livres de poèmes, tailler les crayons, aligner règle , tubes de colle et ciseaux… et puis chercher l'inspiration écoutant la radio, sauter le repas de midi, ne plus répondre au téléphone...il est déjà minuit...et je suis qui ? Et on est quand ?

Textes de Jules Supervielle, de Jean Genet et de Christiane Singer

 DB dessin porte marocaine

Ce qu’il faut de nuit au dessus des arbres

Ce qu’il faut de fruits aux tables de marbre

Ce qu’il faut d’obscur pour que le sans batte

Ce qu’il faut de pur au cœur écarlate

Ce qu’il faut de jour sur la plage blanche

Ce qu’il faut d’amour au fond du silence

Et l’âme sans gloire qui demande à boire…

  DB dessin Capt Pipinos

Je roule sous la mer et ta vague au-dessus

Travaille ses essieux tordus par tes orages

Pourtant j’irai très loin car le ciel à l’ouvrage

Du fil de l’horizon dans un drap m’a cousu.

  DB dessin les anges

 Mon voyage s’est transformé au fil des lignes, en simple errance (…)

Je sais que partout ne m’attend que l’énigme.

Elle seule.

L’espoir d’arriver un jour quelque part où me soit servi le thé du sens ultime m’a quittée.

J’erre sans angoisse, pire encore sans déplaisir.

Je n’ai même plus honte de balbutier.

Ni de n’avoir pas raison.

Coronachronique N°27 20/4/2020

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📅 dimanche, 19 avril 2020 14:10

Coronachronique N° 27 20/4/2020

 

Le petit train des mots d’Emma BROUILLET

 

                Les mots ne se composent pas seulement de sons et de lettres assemblées, ils sont comme des petites portes qui s’ouvrent sur l’imaginaire. Et les phrases me direz- vous ? Elles ne se composent pas seulement d’une suite de vocables alignés les uns à coté des autres qui le plus souvent donnent sens et cohérence.

                Prenez la poésie, elle ne tient compte ni des lettres, ni des sons, ni des mots, ni des alignements. La poésie c’est la langue qui vagabonde, le mot qui s’affranchit, l’énoncé libéré qui s’évade, revendiquant sa liberté. Seul le lecteur décide.

                Ainsi associer une image à un phrasé poétique c’est de la magie pure, presque un miracle. Un vers, un alexandrin, une strophe s’accroche à mon imaginaire et comme par enchantement l’image vient et s’impose. Parfois l’association est incongrue mais qu’importe, c’est le tracé, le voyage qui compte. Aller loin, le plus loin possible, le poème devient bateau m’embarquant vers le grand large pour fêter les épousailles flamboyantes de la plume et du dessin.

Textes d’Arthur Rimbaud et d’Ernest Ganay

 Dessin DB diptique

 

A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles,
Je dirai quelque jour vos naissances latentes :
A, noir corset velu des mouches éclatantes
Qui bombinent autour des puanteurs cruelles,

 

DB dessin Ganay 1

 

Il est parti me regardant et posant

ses doigts sur mes lèvres,

Mais je savais déjà quelles longues

fièvres unissaient sa vie à ma vie

 

DB dessin Ganay 2

 

Il est parti en me regardant, et plaçant

Sa main sur son cœur, puis

il a clos les yeux, dès lors, je sais

l'ardeur qui scelle sa vie à ma vie.

Coronachronique N°15 6/4/2020

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📅 dimanche, 05 avril 2020 12:02

Coronachronique N°15 6/4/2020

Confinée : Emma BROUILLET

       Confiné : vivre à l’écart sans égard, reclus, isolé, éloigné, écarté. Il va falloir apprendre à intégrer ce nouveau vocabulaire, il va falloir faire avec, ou plutôt faire sans.

       Sans les visages et le toucher si doux de ceux que j’aime, sans le regard de l’autre, l’aide à donner et recevoir, sans le partage. Sans les rivages de la mer, sans le vent, sans les odeurs des glycines éphémères, sans le tracé des oiseaux dans le ciel. Il va falloir faire petit, étriqué, faire avec. Avec ce que j’ai à portée de main pour m’évader, sans me laisser prendre par les idées noires, mais chercher les couleurs, trouver du souffle, du mouvement mais sans bouger.

       Rester immobile, figée.

       Ma table de cuisine sera mon univers, ma galaxie. Mes pinceaux, gommes et crayons, gouaches, aquarelles et pastels mon armée des ombres douces sur le papier Canson. Et mes modèles alors ? Ustensiles, tasses et bols, napperons et serviettes, pots et vases des étagères sans oublier les stickers du frigo.

       Un livre de poèmes sera mon inspirant. Extraire du phrasé qui sonne, qui claque, respire et vagabonde. Dessiner de l’ordinaire en y mêlant des mots, et la magie opère. Qui a dit confiné ? Je suis si loin de ma cuisine, je suis dehors, je suis à l’air et libre.

Textes de Paul Eluard et de Evarite Désiré Forges de Parny

DB1 top redressee

 

DB2 top redressé

 

DB3 top redressée