Il faut les comprendre, depuis 5 ans, Emmanuel Macron aura tout fait pour obtenir ce duel. Un duel face à l'extrême droite, c'est le ticket d'or pour l'Elysée. Encore une fois, la gauche, divisée, ne sera pas au second tour. Les électeurs habituels de Poutou ont fait honneur à la gauche, le pauvre candidat ouvrier a vu son électorat siphonné par Mélenchon.
En revanche, le PS et EELV sont indignes de l'histoire de la gauche. Leur score calamiteux ne leur permet même pas un remboursement des frais de campagne. Pire, EELV a l'indécence de lancer un appel aux dons pour survivre. Quelle indignité ! Le GIEC ne laisse que trois ans pour lutter contre le dérèglement climatique et les Verts, qui ont rechigné à se ranger derrière le seul candidat à même d'éviter un second tour Le Pen-Macron se précipitent derrière Macron face au péril de l’extrême droite qui n'a jamais été aussi proche du pouvoir. Que EELV disparaisse. Gratter quelques pourcentages à une élection présidentielle vaut visiblement davantage que de porter un véritable projet social et écologique au second tour. Il faut les comprendre, ces bourgeois de gauche. Mélenchon est clivant. Il veut préserver la retraite à répartition, ramener la retraite à 60 ans, préserver l'université gratuite. L'horreur ! Quasiment le stalinisme ! L'écologie sans social ne vaut rien. Jadot avait dit préférer Macron à Mélenchon, nous ferons les comptes écologiques dans 5 ans !
Il faut du culot pour appeler au barrage républicain quand on s'appelle LREM. Darmanin déclarait face à Le Pen « qu'elle était molle face à l'Islam ». Le même Darmanin expliquait qu'il refuserait de célébrer un mariage homosexuel quand il était encore LR avant de rejoindre LREM. Nathalie Loiseau, qui a été propulsée par LREM aux élections européennes, a elle milité pour l'Union des Etudiants de Droite, syndicat continuateur du GUD proche du Front National, mais s'en est défendue, affirmant « n'avoir pas perçu la couleur politique » de ce mouvement. Il faut l'excuser, elle était collégienne et pas forcément politisée. Ah non pardon, elle était à Sciences-Po Paris, peut-être fut-elle une élève médiocre en politique pour ne pas associer l'UED à l'extrême droite.
Ainsi ces gens appellent sans pudeur à voter Macron pour éviter le bruit des bottes et le péril fasciste. Eh bien non, qu'ils se débrouillent. Les Français ont choisi un second tour Macron- Le Pen, qu'ils choisissent ! Les castors ne feront plus barrage, les castors sont fatigués, les castors ne peuvent être pris indéfiniment pour des cons.
L'unique éclaircie de cette campagne reste le vote des jeunes. Les jeunes de 18 à 34 ans ont mis Mélenchon en tête de leurs suffrages. Les 65 ans et plus, qui se foutent du changement climatique tout comme ils se moquent de la retraite à 65 ans (ils ont eux-même profité de la retraite à 60 ans, voire avant,) ont porté leurs suffrages sur Macron. Quel cynisme. Malgré l'égoïsme, il eût été correct de penser aux enfants, et aux petits enfants ! (J'adresse ma sympathie aux électeurs de 65 ans et plus qui ont voté à gauche, on est ensemble !).
Au second tour, pas une voix ne doit aller à Marine Le Pen. Ni à Macron. Soyons démocrates. Aucun des deux candidats ne porte un programme social ou écologique. Laissons les fachos et les libéraux se dépatouiller entre eux !
Le Cafard de Ian McEwan, du manichéisme en politique.
Par Eole TOUTAIN
Difficile d'évoquer le dernier roman de l'écrivain anglais sans aborder le Brexit tant ce dernier hante l'esprit de Ian McEwan qui a décidé de régler ses comptes avec les « populistes » dans une satire « à la Jonathan Swift » dixit la 4ème de couverture.
Résumons la pensée de l'auteur. Les Anglais sont des veaux. En juin 2016, le Gouvernement anglais proposait un référendum à ses concitoyens sur la sortie du Royaume-Uni de l'Union Européenne. Le choix était simple et évident. Le Leave (quitter l'UE) c'était la déraison, le ressentiment, la bêtise, le populisme, la guerre, la démagogie alors que le Remain (rester dans l'UE) représentait le pragmatisme, la raison, l'intelligence, la paix. Malheureusement, au grand dam de McEwan et d'autres, les anglais ont voté Leave alors qu'ils devaient voter Remain et l'auteur du Cafard n'a, quatre ans plus tard, toujours pas digéré la décision de ses compatriotes.
Dans sa préface, l'auteur exprime tout le mal qu'il pense des politiciens ayant respecté la décision du référendum, le tout gratiné d'une certaine détestation du peuple. Les trois quarts des députés ont voté pour rester dans l'UE, mais la plupart d'entre eux se sont détournés de l'intérêt national pour se retrancher derrière une loyauté partisane et la « voix du peuple », cette sinistre expression soviétique, cette poudre aux yeux qui a embrumé les cerveaux, endormi la raison, et réduit les chances pour nos enfants de vivre et de travailler librement sur le continent européen1. Ian McEwan déraille totalement dans ses propos dès les premières pages. Si l'on peut reconnaître que le terme « voix du peuple » est souvent galvaudé tant les politiciens de tous bords se prévalent de la porter, on peut difficilement réfuter que le référendum reste l'un des meilleurs représentants de cette « voix du peuple » : on a appelé les électeurs à s'exprimer sur un sujet particulier et ces derniers ont répondu majoritairement à cet appel avec 72,12% de participation. On est quand même loin des bolchéviks ! De plus, Le Cafard a été publié en 2019, soit trois ans après le référendum et l'auteur n'a visiblement pris aucun recul sur les événements. La catastrophe annoncée n'a pas eu lieu. Il est vrai que, dès les résultats, les marchés financiers ont chuté et les agences de notation se sont affolées. Les Cassandre ont jubilé. Pourtant, début 2017, le FMI a annoncé que l'économie britannique avait connu en 2016 la croissance la plus rapide parmi les membres du G7 avec 2 % de croissance, malgré le Brexit et a reconnu que ses prévisions sur ses effets étaient beaucoup trop négatives2. Ian McEwan critique l'impulsivité des politiciens, il pourrait penser à contenir la sienne.
Mais Ian McEwan est chafouin. Au moment de lancer le référendum, le Premier ministre qui était alors David Cameron, avait appelé les électeurs à voter Remain. Mais les Britanniques n'ont pas suivi cette consigne. Imaginez donc : un élève a le choix entre deux réponses, une bonne et une mauvaise, le professeur donne la réponse correcte à l'élève qui n'a plus qu'à l'entourer mais ce dernier choisit la mauvaise, il y a de quoi bouillonner ! On imagine alors la peine de Ian McEwan et son envie d'en découdre avec ces arriérés irresponsables.
Les Français ont commis la même erreur en 2005 suite au référendum français sur le traité établissant une constitution pour l'Europe. Cette fois, il fallait voter Oui, mais les Français se sont trompés et ils ont glissé majoritairement un bulletin Non dans l'urne. A ce moment-là, Philippe Val, directeur de Charlie Hebdo enrage et signe un édito au vitriol contre les personnes de gauche ayant voté Non. Il les désigne comme des "socialistes et nationaux" comprenez donc : ce sont des nazis.
Ce sens de la mesure se retrouve chez le Philippe Val anglais : Ian McEwan qui dans son roman Le Cafard propose une métamorphose façon Kafka inversée. Un cafard se retrouve incarné dans le Premier ministre britannique et va devoir mettre en place la réforme du Réversalisme qui consiste à inverser les flux financiers. Ainsi, le salarié paye son patron, le propriétaire paie son locataire, le client est payé pour récupérer des produits. C'est absurde, mais pas autant que le Brexit ! Le roman est présenté comme une satire. C'en est une. Mais l'auteur se trompe de cible ou alors il n'utilise pas les bonnes cartouches pour ridiculiser la classe politique qui pourtant se démène dans le ridicule. La surenchère ubuesque entre des Boris Johnson, Nick Farage et Donald Trump devrait donner suffisamment d'idées pour les caricaturer sans avoir à pleurnicher ni à dégueuler des jérémiades à longueur de pages car le résultat d'un vote nous contrarie.
Malgré un postulat détestable, quelques satires provoquent un léger rictus. Les passages concernant les réseaux sociaux et notamment Twitter visent assez juste. On se gausse des propos de Trump, Tupper dans le roman, dégainant ses tweets ridicules, sans recul, à la manière d'un poivrot de comptoir. On acquiesce quand l'auteur met en exergue les faits divers instrumentalisés par les politiciens par cynisme et en dépit de la peine des véritables victimes. Mais l'on ne peut s'empêcher durant notre lecture de penser que ce roman est né de la pleurnicherie d'un auteur, vexé et contrarié de la décision de ses compatriotes, qui a décidé de déverser son fiel sur les personnes, stupides, ayant un avis contraire à son opinion. Je ne suis pourtant ni un partisan, ni un opposant du Brexit mais au fil de la lecture, on ressent l'envie pressante de sortir dans la rue avec un drapeau de l'Union Flag sur les épaules, même sans être anglais. On espère toutefois que les prochaines élections britanniques ne seront pas contraires aux convictions de Ian McEwan car l'écrivain pourrait être tenté de faire un nouveau pastiche de Kafka contre ses compatriotes sans aucune autre forme de procès.
1 p17
2The UK economy grew the fastest among all advanced economies in 2016 despite Brexit, IMF says » sur dailymail.co.uk, 16 janvier 2017.
Coronachronique N° 16 7/4/2020
Vingt-troisième jour de confinement.
74 389 personnes déclarées atteintes du coronavirus.
3 911 de plus qu’hier.
6 494 personnes décédées.
605 de plus qu’hier.
Le taux de létalité atteint les 8.73%.
La courbe des cas recensés de coronavirus s’infléchit doucement depuis le 1er avril.
Eole TOUTAIN 26 ans
Doit-on s'ennuyer pendant le confinement ? Depuis maintenant plusieurs semaines, la question divise chez moi. Depuis le début du confinement je commets une faute inqualifiable : je ne m'ennuie pas.
Pourtant, mon métier ne me permet pas d'effectuer du télétravail, contrairement à ma conjointe qui effectue sa besogne derrière son clavier d'ordinateur de 9h à 16h. Malgré ses devoirs, elle s'ennuie. Tandis que moi, qui ne travaille plus, j'ai l'impertinence de trouver des occupations et cette impudeur l'agace. Il est vrai que mes occupations ne sont pas vraiment variées. Ce qui aurait pu être, si j'étais parisien, métro-boulot-dodo s'est transformé en ordinateur-lecture-guitare ponctué de quelques flâneries sur le balcon, le regard hagard, fixant le vide en ne faisant littéralement rien.
Ce temps de privation de liberté n'est pas une perte de temps. C'est au contraire l'occasion de le retrouver pour réaliser ce qu'on estimait ne pas pouvoir faire au temps d'avant. Il y a de bonnes surprises. Ce livre que j'ai emprunté par exemple, « Les maternelles » de Léon Frapié que je n'aurais sans doute pas lu ou terminé en temps normal s'est avéré une excellente découverte. C'est également l'occasion de réussir, plus ou moins, certains morceaux de guitare qui l'emportaient rapidement sur ma patience. Mais aujourd'hui j'ai le temps d'être patient.
Ce désennuie m'est facilité par une certaine tendance à la procrastination. Le confinement m'est ainsi taillé sur mesure même si j'éprouve une certaine nostalgie aux balades champêtres en montagne et que l'air iodé de la mer me manque déjà. Le sport également, mais j'ai trouvé la parade : il est facile de trouver sur internet quelques activités sportives à faire sans véritable matériel et les trente minutes de sport quotidien que je m'accorde m'aident à oublier mon match de foot hebdomadaire pré-confinement. Des contacts quotidiens avec mes collègues de travail tendent à me rappeler l'univers professionnel sans être envahissant pour autant.
Le confinement nous prive du monde extérieur mais paradoxalement, il n'a jamais été aussi facile de rester en contact avec ce dernier grâce aux réseaux sociaux et aux différentes applications qui permettent de garder le contact avec nos proches et nos collègues. « Sauver des vies, restez chez vous », jamais une consigne ne m'aura autant enthousiasmé !
Coronachronique N° 12 2/4/2020
Dix-huitième jour de confinement.
56 989 personnes déclarées atteintes du coronavirus.
4 861 de plus qu’hier.
4 032 personnes décédées.
508 de plus qu’hier.
Le taux de létalité est de 7%.
La courbe n’a pas commencé à s’infléchir.
Eole Toutain, 26 ans
Ma génération commençait à s'ennuyer. En 26 ans, je n'ai connu aucun événement historique notable venant troubler la monotonie du quotidien. Aucune guerre mondiale, aucune angoisse d'un conflit nucléaire, aucun homme n'a marché sur une autre planète, aucun mur n'a été abattu. Rien, si ce n'est quelques attentats. Il n'y a évidemment aucunement raison d'envier la position d'un homme envoyé au front, se traînant dans la boue, côtoyant les rats, avalant sa gnôle pour oublier la douleur tout en voyant ses amis d'enfance mourir dans ses bras les uns après les autres. Aujourd'hui, on ne nous demande pas de donner notre vie pour la nation (à l’exception de certains corps de métier) mais de rester tranquillement sur le canapé, en pyjama, à siroter des cocktails en regardant Netflix. Cette pandémie marquera l'histoire, j'en suis heureux car de toute façon, l'heure est au cynisme.
Cynisme quand le gouvernement assure que les masques de protection sont inutiles pour les personnes non contaminées en sachant bien que les stocks sont insuffisants et qu'il n'y a de toute façon aucun plan massif de dépistage.
Cynisme quand un ministre de la 6ème puissance mondiale lance un appel aux dons pour soutenir les petites entreprises alors que son gouvernement a supprimé l'ISF et continue de distribuer des dizaines de milliards d'euros chaque année sans contrepartie aux entreprises avec le CICE tandis que d'autres dizaines de milliards d'euros échappent chaque année à l'impôt, qui rappelons-le à Darmanin, sert entre autres, à financer l'Hôpital public, en plus d'autres services publics (mais il n'est pas à exclure le lancement d'une prochaine cagnotte pour les sauver à leur tour).
Cynisme quand Macron et les siens louent l'héroïsme des soignants en faisant l'éloge de leurs compétences, de leur abnégation et de leur courage après avoir envoyé pendant des mois des CRS taper sur leur gueule quand ces derniers exprimaient leur consternation face à la baisse de leur effectif, le manque de moyen et la diminution du nombre de lits dans les hôpitaux.
Cynisme quand le ministre de l’Économie appelle les entreprises à ne pas distribuer des dividendes faramineux à leurs actionnaires (on nous avait pourtant dit que le marché « s'autorégulait » et puis comment espérer le « ruissellement » si les riches ne croulent pas sous les billets ?)
Cynisme quand le Président nous abreuve d'une analogie guerrière, envoyant les personnels hospitaliers au casse-pipe, certains équipés de masques... de plongée Décathlon.
Cynisme quand ce même Président déclare solennellement que rien ne sera plus comme avant, que cette pandémie servira de prise de conscience sur la situation de l'Hôpital public (entre autres) tout en préparant un plan visant à accélérer la marchandisation de la santé et sa privatisation.
Cynisme quand une ministre de la Santé démissionne pour candidater aux municipales sachant pertinemment que « ces élections étaient une mascarade et qu'elles n'auraient pas lieu ». Emmanuel Macron avait appelé à « L'union sacrée ». Elle doit avoir lieu. Mais pas avec lui, ni avec son gouvernement ou ses députés. Il est aisé de s'exonérer de ses responsabilités, de se cacher derrière une pandémie qui vient seulement mettre en lumière ce que tout le monde savait déjà à l'exception des libéraux choisissant de nier le réel. Lui et les siens pavanent depuis des années sur les plateaux TV, à la radio et monopolisent les éditos pour réciter leur catéchisme, dénigrant ces gens inconscients qui voudraient augmenter la dépense publique en dépit de la dette (la dette n'est pourtant plus un problème quand il faut baisser l'impôt des grandes fortunes). L'austérité tue : des gens meurent car il n'y a pas assez de lits dans les hôpitaux, des médecins sont contaminés par manque de masques et même quand il y en a, leur état est lamentable. Emmanuel Macron a fait des choix, quand il était ministre et il a continué d'en faire en tant que Président. Qu'il en assume les
conséquences. Le responsable, c'est lui et l'idéologie qu'il représente.