Née à Metz en 1978, Catherine Andrieu grandit au bord de la Méditerranée, à Collioure puis à Port-Vendres. Enseignant brièvement la philosophie à Aix-en-Provence, elle s’installe finalement à Paris en 2004 pour préparer l’agrégation mais abandonne toute pratique professionnelle suite au suicide de son ami d’enfance. Consacré à Spinoza, son premier livre paraît en 2009 chez l’Harmattan. Désormais tournée vers la poésie et la peinture, la jeune femme expose dans plusieurs galeries de la capitale et dans les Ardennes, et publie une vingtaine de recueils, d’abord aux éditions du Petit Pavé, où elle a été découverte par Jean Hourlier, et principalement aujourd’hui aux éditions Rafael de Surtis, dirigées par Paul Sanda. Catherine Andrieu vit depuis peu à Royan où elle poursuit son œuvre tout en s’adonnant au piano. Ses chats ont une place de prédilection dans sa vie et dans son œuvre.
Toutes ces filles dans les vitrines
Les miroirs des abribus
Culottes de dentelle et badines
Odes à Aubade gros seins gros culs
Qui rendent les hommes fébriles.
Et toi, que regardes-tu ?
Je te veux aveugle et muet
Parce que je n’ai pour te séduire
Que mes mains d’écrivain.
Mon corps d’artiste
Qui n’est pas corps de modèle
Pauvre de moi.
Toi ma Lune qui fais la puissance des marées
Pourrais-tu par une vague échouée sur la grève
Me rendre mon Paname mon chat soleil
Je m’envelopperais de cailloux devenus des astres
Et comme Virginia Woolf j’entrerais dans l’eau
Et je le ramènerais avec moi au royaume d’Hadès
Stabat mater dolorosa.
Catherine Andrieu "Autoportrait schizé" Dessin numérique sur photographie
Toi ma douce maman qui m’a donné la vie
Je vois à travers toi l’enfant que tu étais
Ton enfance à Port aux Poules les vagues libres et le vent
Tu courais avec tes frères tes amis sur la plage
Le chat mangeait les poissons qu’il pêchait
Les quatre cents coups que tu faisais avec ton jumeau
Voler des parfums à des élégantes pour les offrir à votre mère
Qui bien peu était coquette et qui comptait tellement
C’était la guerre mais si peu la ressentir en Algérie
Paysage flamboyant
Et moi j’ai hérité de ça enfant de la Méditerranée
La vie libre et les embruns force et créativité
C’était la belle auberge quinze à table chaque jour
Ta mère affairée la cuisine la lessive
Et le père Chevalier qui de votre hospitalité abusait
Contre quelques cours
De piano sur l’eau.
Catherine Andrieu "Apparition de la vierge" Dessin numérique sur photographie
Quelqu’un me dit que Hawking est un monstre
Mais Hawking est magnifique
Enfermé dans son corps l’Esprit veille
Pharaon pensif l’intelligence aux aguets
Tel le félin sauvage prêt à bondir
Sur les mystères du Cosmos des trous noirs
Et si la maladie de Charcot rend le visage inhumain
Inhumain aussi le Requiem de Fauré
Surhumain funambule sur la corde du génie
Par ma fenêtre je regarde l’infini des vagues et je pense à lui
Car comme lui je me sens prisonnière d’un corps
Abîmé par les antipsychotiques j’étais plutôt jolie
Puis l’angoisse et penser du fond d’un puits
N’être plus qu’un cerveau artiste
Une figure laide et pourtant l’esprit
Rapide, tellement, et souffrir de solitude profonde
Des années que je ne vois plus un être humain et préfère
La compagnie des chats sur mon piano je pleure
Etre douée pour tout mais n’avoir aucune ambition
Au-delà de mes délires mégalomaniaques.
Catherine Andrieu "Douleur" Dessin numérique sur photographie
Tu vois aujourd’hui je couche par terre
Je ne suis qu’un animal
Petite âme qui vagabonde et s’éteint
Ne me pleure pas
Je t’aime
Vois aujourd’hui c’est moi qui couche par terre
Peau contre peau tu es plus qu’un animal
Petite âme petit ange qui s’éteint
Je t’en supplie ne meurs pas
Je t’aime
Catherine Andrieu "Neige" Dessin numérique sur photographie
A la mémoire d’Yves Stcherbatchenko
O mon Yves, ma mémoire est labile
Mais mes doigts se rappellent avoir été sous les tiens
Les touches noires et les blanches qu’on effleurait ensemble
J’avais neuf ans et je m’asseyais sur mes cheveux
Toi le jazzman et ton verre de whisky-clopes, tu dérivais doucement
Du côté de Port-Vendres le piano est sous l’eau les alcools
Tu te noies soixante-deux ans c’est pas vieux pour mourir
Tu disais si on te demande ne dis pas que c’est moi
Toi qui fus mon maître durant sept années d’ivresse
Tu m’as appris beaucoup plus que le piano
Le rire, l’affection
Laisse-moi te bercer dans ton cercueil à queue.
Catherine Andrieu "Mémoire" Dessin numérique sur photographie
A Hadès
Ouverte aux roses blanches
Canevas de la matière
Faux cils faux ciels
Peints pianos
J’avance
Je cherche un labyrinthe
Le moyen de te perdre
Parce que je m’ennuie tellement
Avec la queue du chat.
Catherine Andrieu "Tzigane ou le feu des origines" Dessin numérique sur photographie
Janvier 2023 à coups de canif
Dans la lumière rouge que tu peignais
Sans relâche. Il reste à tout réinventer
Sur l’Océan que nous avions en partage
Tes marines mes photographies j’avais fini
Par te trouver médiocre c’était ma colère
Je ne ressentais plus les éclats du jour en paillettes
Qui venaient s’accrocher à nos cils
Pendant ces vacances-là où nous étions simplement
Heureux installés dans les heures lentes
A Talmont-Saint-Hilaire. L’eau était froide.
Je suis méditerranéenne, j’aime l’eau verte
Et j’avais un oiseau fragile, enfant.
Deux oiseaux fragiles étions-nous et nos ailes
Ne cessaient de battre tu n’as plus de pouls.
Les cachets que tu as absorbés ce soir-là
Etaient nos gardes fous. Moi je les avale lentement.
Toi tu n’auras jamais cinquante ans.
Janvier 2023, tu mis fin à tes jours à coups de canif
Dans la toile de mon imaginaire et je n’ai rien pu faire
A part pleurer sur mon piano qui dérive sur l’Océan.
Catherine Andrieu "A mon frère mort ou l'inachevé" Huile sur toile
Je revisite en esprit ce cliché où tu apparais en Madone
Si brune et si jeune dans ta robe de dentelle blanche
Et ton porte-jarretelles sur le parvis de l’église de Port-Vendres,
Préfiguration du paysage qui enveloppe ma joie et mon désir
Avec ton blouson de cuir, Dieu que tu es jolie, Jacqueline !
J’ai dû grandir dans ton ombre, ma sœur, trouver ma propre
Voix, moi qui n’avais nulle grâce sauf celle d’écrire et toi
Qui les avais toutes, surtout celle de la mystification.
Aérienne et charnelle, voluptueuse et éthérée, toi le Feu
Les hommes se consumaient d’amour pour tes grands yeux noirs.
Toi la Parisienne aux vapeurs d’Opium, tu savais si bien
Onduler comme chatte séductrice, et je retrouve en Lune
Ton indécence de marbre qui ne donne prise au Vent ni au Temps,
Résistant même à l’assaut des vagues de l’Océan.
Catherine Andrieu "Solitude" Huile sur toile
Tu es l’horizon et moi je suis la mer
Qui vient mourir sur le sable
Tu es le souffle léger et moi je suis la Terre
Tu es les étoiles et moi l’Univers
Tu es libre comme l’astre dont tu portes le nom
Nos libertés précèdent la possibilité de tout Amour
Lune, tu es la petite âme filante que j’ai prise sous mon aile
Comme la mouette portée par le vent que tu regardes
Depuis la terrasse où s’échoue l’Océan.
Catherine Andrieu "Autoportrait au chat" Technique mixte 2012
vvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvv
La mer ardoise sous un ciel de plomb
Au large, une tempête dont le port
Ne fait pas écho. On dirait les toits
De Paris la vénéneuse, dont la Seine
Coule dans nos veines, artistes, fous.
La Seine je l’ai rêvée dans les coulisses
De mes dix-sept ans, mon théâtre de rue.
Le vent qui gifle mes rêves de petite Diva.
Avoir été repérée par ce grand metteur en scène,
Mais comédienne ça n’est pas un métier, alors...
Un jour je serai poète au bord de l’Océan.
Catherine Andrieu "Lever de soleil sur le port de Royan" Photographie