Coronachronique N° 25 (17/4/2020)
Trentième jour de confinement.
108 847 personnes déclarées atteintes du coronavirus.
2 641 de plus qu’hier.
17 920 personnes décédées (décès en EHPAD inclus).
753 de plus qu’hier.
Le taux de létalité est de 16.45 %.
La courbe des cas recensés de coronavirus continue de s’infléchir.
Ce jour, je ne sais que vous dire. Ni où vous emmener. Vous transmettrai-je mon spleen ? Mes doutes ? Mes jours avec. Et mes jours sans. Au rythme des informations, des fake news, des statistiques dont on nous abreuve. Si nous atteignons le trente-deuxième jour de confinement, on peut dire qu’il en reste encore vingt-trois. On peut le dire comme ça. On peut dire qu’il n’en reste que vingt-trois. On peut dire que le gros est passé et qu’il ne reste que trois semaines à tenir dans cet enfermement où le corps s’impatiente. On peut dire aussi que le confinement sera peut-être prolongé. Qu’on ne maitrise rien. Que nous sommes dépossédés du savoir et de notre avenir. Sommes-nous acteurs ? De rien. De quoi ? Acteurs passifs. Déprimés par cet oxymore. Nous sommes au comble de l’inhibition. Citoyens privés de notre pouvoir de citoyens : voterai-je pour ou contre le coronavirus ? Qu’il se montre ! Qu’il s’explique ! Quelle campagne électorale me permettra d’éclairer mon vote ? Je n’ai même pas cet exutoire pour sortir de mon enfermement qui dépasse ma simple condition physique de confiné.
Nous restons à compter les morts et les infectés. Les hospitalisés et les réanimés. Les sortants et les entrants. Triste comptabilité.
Alors voilà aujourd’hui une histoire de statistiques destinée à vous (à me) redonner le moral…
Il était une fois…
Il était une fois un méchant virus qui infectait le bon peuple, chaque jour, impitoyablement et qui tuait cruellement nombre de ses sujets. Comme il exerçait son empire de manière absolue, il fut désigné Roi et couronné. Ainsi on le dénomma Covid 19 : Co pour Corona, Vi pour virus, D pour disease[1] et 19 pour l’année de son avènement.
Le peuple se désespérait de sa cruauté et le roi Covid 19 le maintenait dans la terreur en produisant chaque jour une statistique qui montrait son inexorable puissance :
Il infecta d’abord sournoisement ses sujets qui, ne se rendant compte de rien, continuèrent de vaquer normalement à leurs occupations. Lorsqu’il s’insinua de manière plus significative, il était trop tard : le nombre des malades s’accrut considérablement et en deux mois son ascension fut telle qu’elle ne semblait jamais s’arrêter.
Ainsi en fut-il des statistiques de mortalité :
La courbe des décès qu’il présenta quotidiennement à son bon peuple suivait le même tracé que la courbe des personnes infectées et n’augurait rien de bon qui pût redonner confiance en l’avenir du royaume. Il fallait se résigner à cette implacable dictature. La production de cette statistique n’avait d’autre objet que de garder le contrôle sur un peuple physiquement et psychologiquement affaibli.
La cruauté du Roi Covid 19 n’avait d’égal que son cynisme car bientôt il publia une autre statistique dans un objectif de déstabilisation totale de la population.
En montrant les variations quotidiennes des cas de personnes contaminées ainsi que celles des personnes décédées, il soufflait le chaud et le froid sur une communauté qui ne savait plus sur quel pied danser. Un jour, le nombre de victimes augmentait et le peuple sombrait dans le pessimisme le plus noir. L’autre jour, il diminuait et le peuple retrouvait espoir. En somme, impossible pour lui de retrouver une assise qui lui permît d’adopter, contre le tyran, une stratégie de défense cohérente.
Un jour, cependant, un magicien qui s’appelait Hugues, passa devant les courbes susmentionnées, traditionnellement affichées par la maréchaussée à l’entrée du château. Elles faisaient des montagnes russes impossibles à interpréter. Il les suivit très attentivement des yeux en se focalisant d’abord sur la date du 1er avril puisque c’était le jour de sa fête, jusqu’à celle du jour, le 17 avril. Soudain, un charme s’opéra qui ébahit tout le peuple qui était, comme lui, venu aux nouvelles. Les deux courbes se lissèrent comme par enchantement et prirent une direction que personne n’avait jusqu’ici soupçonnée : au lieu de croitre inexorablement comme les courbes de cumul, au lieu de monter et de descendre au point d’en donner le tournis à n’importe quel lecteur, elles se mirent à descendre. En les lissant de son regard, Hugues mettait en évidence une tendance qui supprimait l’effet pervers de la variation.
A compter de ce jour, le peuple comprit qu’il avait gagné son combat contre le monarque qui s’affaiblissait. Il ne lui restait plus alors qu’à prendre patience. Patience…
[1] Maladie