Coronachronique N°14 4/4/2020

📅 04 avril 2020

Coronachronique N° 14 4/4/2020

Vingtième jour de confinement.

64 338 personnes déclarées atteintes du coronavirus.

5 233 de plus qu’hier.

5 091 personnes décédées.

588 de plus qu’hier.

Le taux de létalité atteint les 8%%.

La courbe repart à la hausse.

 

                J’ai rencontré Cesare Beccaria (1738 - 1794), juriste, criminologie et philosophe, à la fac de droit dans les années 1976. C'était à l'occasion d'un cours de M. LEAUTE, professeur de droit pénal et de sociologie criminelle ainsi que directeur de l’Institut de Criminologie de Paris. Et puis plus rien pendant presque quarante ans bien que je n’aie jamais oublié ni son nom, ni son humanisme.

                Je l’ai rencontré à nouveau dans une librairie de Corte, « La librairie de Flore », en cherchant le livre « Colonna, anatomie d’un procès truqué » de Vincent Lecoq. J’achète les deux ouvrages. Je commence par Beccaria.

                Quelques semaines plus tard, à l’occasion d’un voyage à Milan, nous visitons l’école d’art qui est aussi la pinacothèque de Bréra. Et là, sur qui je tombe, dans le grand escalier, trônant magnifiquement dans sa grande robe de juriste ? Sur Cesare Beccaria. « Beccari-a » me dira un peu plus tard Carolina, mon amie romaine, en appuyant sur l’indispensable diérèse.

                Rome, justement. Quelques semaines plus tard. Précisément au sortir de chez mon amie. Boulevard Tarento. Sur le trottoir d’en face, Beccari-a dans une sucette Decco. C’est pas commun ! Beccaria, « La Civilita dei diritti[1] ».

                Son œuvre majeure est publiée en 1764 et s’intitule « Dei delitti e delle pene[2] ». Outre la belle langue du 17ème et la simplicité d’évocation des concepts illustrés avec une pédagogie dont certains de nos contemporains, plus soucieux de la reconnaissance des obscures et vaines chapelles, pourraient s’inspirer, il y a la grandeur d’âme phénoménale posant de manière quasi ex nihilo les grands principes du droit pénal moderne et notamment son opposition à la peine de mort. Beccaria est-il en effet inspiré de la philosophie des lumières ou l’inspire-t-il aussi lui-même ? Si d’Alembert, Diderot, Hume sont ses maitres, d’Alembert ne manquera pas de dire, s’agissant de l’ouvrage de Cesare Beccaria : « on ne saurait être plus enchanté, plus enthousiaste même que je le suis… ». Grimm salue en Beccaria « un livre du petit monde de ces ouvrages précieux qui font penser ».

                Si la pensée du Beccaria est remarquablement accessible sur le plan formel, on mesure son étonnante modernité à l’aune de son inaccessibilité pour certains de nos hommes politiques contemporains qui oublient ou refusent de raisonner autrement qu’en humanistes sur le sens et la fonction d’une sanction pénale. Objectivité, laïcité, efficacité, humanité sont les vecteurs de la réflexion beccarienne contre vengeance, expiation, inefficience et cruauté constitutives du dogme de ceux qui amalgament l’immanence de la justice avec la « Res publica ».

                A faire lire dans toutes les écoles. C’est obligatoire. Car on apprendra dans Beccaria, à distinguer la justice de la bienveillance lorsque celle-ci dégouline d’une démagogie masquant l’incurie du pouvoir.

[1] Présentation de l’exposition de février 2012, à Rome, intitulée « Cesare Beccaria - La civiltà dei diritti » (La civilisation des droits).

[2] « Des délits et des peines ».