Coronachronique N° 12 2/4/2020
Dix-huitième jour de confinement.
56 989 personnes déclarées atteintes du coronavirus.
4 861 de plus qu’hier.
4 032 personnes décédées.
508 de plus qu’hier.
Le taux de létalité est de 7%.
La courbe n’a pas commencé à s’infléchir.
Eole Toutain, 26 ans
Ma génération commençait à s'ennuyer. En 26 ans, je n'ai connu aucun événement historique notable venant troubler la monotonie du quotidien. Aucune guerre mondiale, aucune angoisse d'un conflit nucléaire, aucun homme n'a marché sur une autre planète, aucun mur n'a été abattu. Rien, si ce n'est quelques attentats. Il n'y a évidemment aucunement raison d'envier la position d'un homme envoyé au front, se traînant dans la boue, côtoyant les rats, avalant sa gnôle pour oublier la douleur tout en voyant ses amis d'enfance mourir dans ses bras les uns après les autres. Aujourd'hui, on ne nous demande pas de donner notre vie pour la nation (à l’exception de certains corps de métier) mais de rester tranquillement sur le canapé, en pyjama, à siroter des cocktails en regardant Netflix. Cette pandémie marquera l'histoire, j'en suis heureux car de toute façon, l'heure est au cynisme.
Cynisme quand le gouvernement assure que les masques de protection sont inutiles pour les personnes non contaminées en sachant bien que les stocks sont insuffisants et qu'il n'y a de toute façon aucun plan massif de dépistage.
Cynisme quand un ministre de la 6ème puissance mondiale lance un appel aux dons pour soutenir les petites entreprises alors que son gouvernement a supprimé l'ISF et continue de distribuer des dizaines de milliards d'euros chaque année sans contrepartie aux entreprises avec le CICE tandis que d'autres dizaines de milliards d'euros échappent chaque année à l'impôt, qui rappelons-le à Darmanin, sert entre autres, à financer l'Hôpital public, en plus d'autres services publics (mais il n'est pas à exclure le lancement d'une prochaine cagnotte pour les sauver à leur tour).
Cynisme quand Macron et les siens louent l'héroïsme des soignants en faisant l'éloge de leurs compétences, de leur abnégation et de leur courage après avoir envoyé pendant des mois des CRS taper sur leur gueule quand ces derniers exprimaient leur consternation face à la baisse de leur effectif, le manque de moyen et la diminution du nombre de lits dans les hôpitaux.
Cynisme quand le ministre de l’Économie appelle les entreprises à ne pas distribuer des dividendes faramineux à leurs actionnaires (on nous avait pourtant dit que le marché « s'autorégulait » et puis comment espérer le « ruissellement » si les riches ne croulent pas sous les billets ?)
Cynisme quand le Président nous abreuve d'une analogie guerrière, envoyant les personnels hospitaliers au casse-pipe, certains équipés de masques... de plongée Décathlon.
Cynisme quand ce même Président déclare solennellement que rien ne sera plus comme avant, que cette pandémie servira de prise de conscience sur la situation de l'Hôpital public (entre autres) tout en préparant un plan visant à accélérer la marchandisation de la santé et sa privatisation.
Cynisme quand une ministre de la Santé démissionne pour candidater aux municipales sachant pertinemment que « ces élections étaient une mascarade et qu'elles n'auraient pas lieu ». Emmanuel Macron avait appelé à « L'union sacrée ». Elle doit avoir lieu. Mais pas avec lui, ni avec son gouvernement ou ses députés. Il est aisé de s'exonérer de ses responsabilités, de se cacher derrière une pandémie qui vient seulement mettre en lumière ce que tout le monde savait déjà à l'exception des libéraux choisissant de nier le réel. Lui et les siens pavanent depuis des années sur les plateaux TV, à la radio et monopolisent les éditos pour réciter leur catéchisme, dénigrant ces gens inconscients qui voudraient augmenter la dépense publique en dépit de la dette (la dette n'est pourtant plus un problème quand il faut baisser l'impôt des grandes fortunes). L'austérité tue : des gens meurent car il n'y a pas assez de lits dans les hôpitaux, des médecins sont contaminés par manque de masques et même quand il y en a, leur état est lamentable. Emmanuel Macron a fait des choix, quand il était ministre et il a continué d'en faire en tant que Président. Qu'il en assume les
conséquences. Le responsable, c'est lui et l'idéologie qu'il représente.