Et nous, trop ivres de lumière,
Ne savions pas encore que les jours dorés s’éteignent
Comme des lampes sous le souffle d’un vent froid.
Sont-ce les feux de la passion qui volettent comme l’Esprit Saint, l’esprit sain dirait l’agnostique poétesse, au-dessus de sa tête et de celle de ses compagnons, esprits de géométrie et de philosophie dans une universalité du langage accompagnant cette jeunesse dans l’Aix de leurs vingt ans ?
S’agit-il encore de la violence qui brule dans le cœur de Catherine, irrémédiablement : violence dans la beauté et le bonheur, violence dans la désillusion ? Chez elle, la fureur de vivre est à double tranchant. Le couteau est de lait, la lumière qui éclaire est aussi éclatement, déchirure, éventration, dévoration. Le soleil est ivresse, il éclabousse et tranche. Et même le bleu et l’azur, couleurs de l’alliance, cinglent, éclatent, foudroient.
Si la poésie de Catherine Andrieu est résolument céleste, elle est aussi foncièrement imprégnée d’une douloureuse corporalité. « Incendies Ailés », c’est ce mélange entre l’azur méditerranéen et le poids du ciel de Saint Louis ou d’ailleurs, ciel noir, palpable, ciel cuivré fusionnant, fracturé ou en lambeaux comme l’esprit et le corps de la poétesse désormais troublés par la psychose. Tout au long de cette commémoration de sa jeunesse à Collioure ou à Aix en Provence, Catherine Andrieu évoque une puissante relation physique à l’environnement, une implication charnelle telle qu’elle fusionne avec les éléments. Corps, pieds, sueur, sang, doigts, mains, veines, peaux, lèvres, bouche, yeux, regards, ailes, ventre, tempe se mêlent à la mer, au sel, aux vagues, à l’écume, à la poussière, à la roche, à la pierre, au vent, aux cendres, à la foudre, aux éclairs et au feu.
Cette poésie-là, est celle de l’état, celle du je et du nous, de l’enfance, de la liberté, de l’ivresse, de la violence au couteau, aux griffes et au sabre, celle de la folie, du rêve, du rire et non des larmes, jamais de larmes, pas une versée malgré cette nostalgie et la sauvagerie de la capitale, vorace à l’instar de la cruauté des bêtes sauvages, et pourtant tant aimée. Son chat Paname est un contre-feu, tigré soit, mais lové sur les genoux, éternelle vigie contre le temps qui passe.
Mais parfois, la nuit,
Je sens encore Paname sauter sur les berges du souvenir,
Mon chat libre, éternel,
Et le Canal de l’Ourcq reflète dans mon esprit
Des éclairs de ce Paris que j’ai aimé à en mourir.
(…)
Je caresse Paname, son ronron est une vague,
une oscillation douce entre l’hier et l’inconnu,
une rivière qui me guide vers un rivage sans nom.
Pentecôte, coupole de la chapelle Minischalchi dans l’église Sainte-Anastasia, à Vérone (Italie), par Angelo di Giovanni (1506).
