Paris le 15/6/2022 | |
Donna Alovesti
119, rue des P.
75 Paris
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Justizanstalt
Milos Ć. HNR, 176728
Leobersdorfer Strasse 16
2552 Hirtenberg – Autriche
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Ah ! M. Doré ! La description que vous en faites est un régal. C'est comme si il était là devant moi. Donc M. Doré a consenti à assister à l'événement dont vous étiez le héros et goûté votre gâteau. Quel honneur il vous a fait ! Et quelle confiance ! Milos, vous êtes un magicien ou un diable, au choix ! Ce caïd vous a avoué qu'il était illettré !
Et vous voilà maintenant avec une âme à votre charge ! Quelle ironie ! Vous me dites que vous n'avez pas pu apprendre à lire à vos enfants et maintenant vous avez cette immense tâche à accomplir. Vous avez raison de ne pas vous laisser faire et de crier plus fort que lui quand il se met en colère mais vous devez être patient. M. Doré vous en sera reconnaissant pour l'éternité ! L'histoire ne fait que commencer et j'espère que vous pourrez me tenir au courant des progrès de votre élève.
J'ai déjà rencontré ce genre de personnage. Dans ma jeunesse, j'habitais dans la région parisienne où s'était installé un camp de Roms que j'avais approchés avec beaucoup de diplomatie dans le cadre de ma fonction élective (je faisais partie du conseil municipal de la ville...). Les habitants ne les aimaient pas à cause des petits larcins (vols) qu'ils commettaient avec beaucoup de talent (moi-même j'en ai été victime)... Il a fallu discuter, argumenter et se disputer sans fin pour leur demander de se calmer...
Le « chef » se présentait exactement comme M. Doré avec un paquet de dents en or, même les dents de devant, comme vous racontez !
J'ai une certaine tendresse pour les Roms, Gitans, Tziganes, Manouches (selon qu'ils viennent d'Europe Centrale, d'Espagne ou de France). Surtout à cause de leur musique, à la fois pleine de joie et de douleur. J'ai pris des cours pendant plusieurs années pour apprendre à danser le flamenco et à battre correctement et en mesure les « palmas » (la frappe des mains) ! Je possède toujours une collection de ces jupes à volants que l'on fait virevolter à coups de « olé ! », des chaussures spéciales pour frapper en rythme les talons et une riche collection de CD...
C'est un peuple spécial. Il faut les prendre comme ils sont...
Maintenant, tenez-vous prêt, j'ai des nouvelles intéressantes au sujet de la... « bibliothèque ». J'ai contacté le service social de la prison et à ma grande surprise, j'ai reçu une réponse nominative, personnalisée, en anglais, très courtoise, de la part de l'assistant social, M. Otto S. qui se propose de vous aider à passez vos commandes :
He can only order the book himself and has to pay for it himself.
I can help him with that. The shop where he can order is called "Weltbild"
Il peut commander un livre et régler la facture lui-même. Je peux l'aider. La boutique pour passer la commande s'appelle "Weltbild".
Je ne m'attendais pas à une telle sollicitude de la part d'un fonctionnaire de la Pénitentiaire !
J'en profite pour ajouter quelque chose à propos du fonctionnement des institutions, en général. Ici, en France (et à Monaco), cher Milos, si vous avez affaire à une administration quelle qu'elle soit , vous ne connaîtrez JAMAIS le nom de votre interlocuteur. Eux (je veux dire les fonctionnaires, les bureaucrates) connaissent tout de vous : ils vous demandent votre nom, votre prénom, votre date et lieu de naissance, votre adresse, votre numéro de ceci, votre numéro de cela ! ! Vous allez rire, mais lorsqu'on me pose toutes ces questions avant même que j'explique la raison de ma visite ou de mon appel téléphonique, la « tête folle » leur demande : « Pourquoi toutes ces questions ? Vous êtes dans la police ? Est-ce que vous ne voulez pas aussi mon tour de poitrine ? » Eux restent anonymes ! Pourtant il existe une loi qui exige qu'ils portent un badge avec leur nom. Mais cette loi n'est pas appliquée ! Pourquoi je vous raconte ça ? Parce qu'à chaque fois que j'ai eu besoin de contacter le centre de détention autrichien, quelqu'un m'a répondu aimablement en me donnant son nom.
Ce n'est qu'une simple marque de politesse mais ici, ça n'existe pas...
Maintenant j'attends un « mea culpa » de votre part ! Rendez-moi justice ! Est-ce que je n'ai pas eu raison d'insister ! Je sais que vous avez fait part de vos craintes à Michèle au sujet de mon « activisme »... Mais je persiste à penser qu'il y a des combats qui doivent être menés quel qu'en soit le prix. La littérature en fait partie et je suis fière de moi !
À bientôt, je vous embrasse
Composition Ivan Gjorgievsky