Paris le 30/4/2022 | |
Donna Alovesti
119, rue des P.
75 Paris
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Justizanstalt
Milos Ć. HNR, 176728
Leobersdorfer Strasse 16
2552 Hirtenberg – Autriche
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Cher Milos
Votre petit mot en français m'a beaucoup touchée. C'était un devoir, pour moi, de vous raconter cet épisode (moment) si important de ma vie auquel vous êtes associé. Je n'ai pas encore compris comment un événement si incroyable, si inattendu, a pu se produire. Mais peut-être qu'il y a des mystères qu'on ne peut jamais élucider (expliquer) ? Cela dit, je ne mesure pas encore les conséquences de cette « transformation ». C'est encore trop récent, trop neuf... Le cerveau, la psyché sont plus lents, il faut leur laisser du temps... Vous vous interrogez sur « qui je suis »... Je crois que cette question concerne tout le monde ! On sait à peu près qui on est jusqu'au moment où une expérience, une occasion nous font découvrir quelque chose de nouveau sur nous-même, quelque chose qu'on n'aurait pas pu imaginer. Et puis n'oubliez pas qu'on peut changer. Et heureusement !
Mais l'essentiel se trouve dans cette renaissance qui bouleverse toutes les certitudes auxquelles ma vie était accrochée, certitudes que je croyais intangibles (intouchables, irrévocables, définitives, immuables).
Et bien sûr, l'histoire n'est pas terminée. Chaque jour apporte son lot (morceau, ration) de nouveautés, d'améliorations. C'est la même chose que lorsque vous allez chez le tailleur pour faire un nouveau costume : il y a des essayages, des retouches, jusqu'à obtenir la perfection. Je me plie avec bonheur à ce jeu. Les personnes de mon entourage (collègues journalistes, voisins, amis) ont bien vu que quelque chose avait changé mais ils ne savent pas quoi. Ils ne comprennent pas cette soudaine effervescence (fièvre) qui m'habite. Et je n'ai pas l'intention de leur en dire davantage !
Pour répondre à vos interrogations, il n'y a rien de surnaturel dans tout ça et je pourrais, à mon tour vous demander : « Qui êtes-vous vraiment Milos » ?
À force de vous « fréquenter », je me suis fait une petite idée...
Vous êtes un homme plein d'ambiguïté ;
Vous êtes un homme plein de contradictions ;
Vous êtes un homme plein de charme ;
Vous êtes un homme plein de finesse ;
Vous êtes un homme plein de subtilité ;
Vous êtes un homme plein de doutes ;
Vous êtes un homme plein de sagesse ;
Vous êtes un homme plein de secrets,
Vous êtes... un homme.
Le portrait doit être complété ! Vous êtes aussi un homme plein de « complications », au sens horloger du terme. Dans le domaine de l’horlogerie, le mot « complication » est utilisé pour désigner des fonctions supplémentaires de la montre qui ne se contente pas d’indiquer uniquement les heures, les minutes et les secondes.
Plus il y a de complications placées dans le petit espace du boîtier, plus la montre est complexe. Il y a des montres « à complications » et aussi de hommes « à complications ». Certains hommes sont plus « à complications » que d'autres. J'en connais un... Ceux-là ont un sens de la dignité et de la masculinité plus aigu (aiguisé, violent). Ils se sentent offensés sans raison valable... Géographiquement, sur la carte du monde, on les trouve en plus grand nombre dans certains endroits caractéristiques. Au hasard... les Balkans ?
Que faire lorsque cette situation se produit ? Si des réparations sont possibles, elles nécessitent beaucoup de douceur, de délicatesse, de doigté (habileté, intelligence, prudence, souplesse, tact, virtuosité). Mais ça n'est pas gagné d'avance ! Avec ces hommes-là, il faut faire très attention. Ils sont très sensibles, très susceptibles et il faut les traiter avec beaucoup de précautions. Un petit rien, et ils se vexent, se fâchent, boudent, vous ignorent (ne vous parlent plus), temporairement ou définitivement. Il suffit d'un mot, d'un euro, et le couperet (couteau) tombe...
J'ai sans doute manqué de tact avec celui dont je vous parle. Mais en même temps, je sais que j'ai raison d'agir selon ma conscience. Il pense qu'il est en dette vis-à-vis de moi. Comment lui faire comprendre que je lui dois mille fois plus ? Je lui ai déjà dit à plusieurs reprises mais il n'écoute pas.
Il a oublié que dans « HSB », son pseudonyme, il y a « sapiens ». Mais où est la « sapientia » ? Je la cherche mais je ne la trouve pas !
Quand on se trouve face à une situation exceptionnelle, la réponse doit aussi être exceptionnelle. Un jour où l'autre, un changement va se produire qui mettra fin à cette situation et tout va rentrer dans l'ordre. Est-ce que mon homme à « complications » ne pourrait pas provisoirement laisser de côté (oublier) les complications pendant un certain temps et laisser une petite place à la simplicité, l'amitié, la tendresse ?
Il y a des attachements, des liens (sentiments) qui libèrent...
Il est vrai que donner est plus facile que recevoir, j'en conviens... J'insiste : ce n'est qu'un « petit rien » !
Et comme je ne perds pas de vue mon désir intact de vous révéler les finesses de la langue française, laissez-moi m'attarder sur cette expression tout à fait intéressante.
Il y a « rien » et « rien ». Sachez faire la différence ! Fort en mathématiques comme vous êtes, vous allez me dire que « rien » est l'équivalent de « nul ». Détrompez-vous ! Comme le dit si justement un célèbre humoriste, aujourd'hui disparu, « une fois rien, c'est rien ; deux fois rien, ce n'est pas beaucoup, mais pour trois fois rien, on peut déjà s'acheter quelque chose, et pour pas cher. »4
La vie est remplie de petits « riens », par exemple ceux qui arrivent chez moi par la poste, venant d'un inconnu jamais vu, jamais entendu. Mais voilà, ces petits riens mis bout à bout (réunis) ont fini par faire quelque chose. Quelque chose à quoi je tiens même si c'est presque rien (ou trois fois rien, choisissez), même si parfois ça ne me vaut rien (ça ne me fait pas du bien).
Je vous embrasse. À bientôt. PD3M !
4 Raymond Devos
Composition Ivan Gjorgievsky