Chronique de "La cour aux tilleuls" de Jean Noël Guéno par Hervé Rostagnat ou "L'happeau tendu de l'était"

📅 04 février 2025

 

      En lisant les poésies de Jean-Noël Guéno du recueil « La cour aux tilleuls » édité chez Encres Vives, chacun aimera gouter le gâteau de l’enfance. Ou les bonbons que constituent chacun des textes du recueil. C’est selon. Mais ce gâteau de l’enfance n’est pas forcément celui qu’aiment les enfants. C’est celui qu’aiment les adultes lorsqu’ils se souviennent des temps de l’enfance piégée par la peur du vide. Il y a, outre les douceurs du sucre, peut-être l’amertume de l’orange ou l’acidité du citron qui fait crier les dents. Voilà, nous semble-t-il, la poésie de Jean-Noël Guéno. C’est une poésie de l’opposition et de l’alternance qui mêle à la douceur de l’insouciance les affres de l’innocence voire de la solitude. On retrouve, dans cette mémoire, la perversité du goût qui attend autre chose qu’une palette de saveurs réduite à l’écœurante gourmandise. Le gâteau a de la texture et les bonbons sont acidulés.

      La mélancolie est douce. Parfois doucereuse. Douce heureuse. Celle que nous confie Jean-Noël Guéno a certes quelque chose d’universel, en tout cas de générationnel car nous avons tous, notamment, un car Chausson qui brinquebale dans nos souvenirs. Mais chez Guéno, le bonbon a un goût de métal. Ça vibre, ça grince, ça hurle jusqu’à l’angoissant vertige provoqué par le défilé des arbres et des fils téléphoniques.

      Si l’école a le parfum du tilleul, si l’air de l’été de la Saint-Martin est tiède et sucré, les racines de l’arbre rampent comme des serpents et l’ordre qui y règne s’apparente à la prison où il faudra faire montre, sous l’intransigeant regard des autres, d’adresse et de courage. Ici, le sifflet est strident et acide mais la liberté est accessible comme les vacances et la mer. Cependant, la mer tempétueuse qui lave les maux, mord ; et le vent coupe comme une lame, et râpe, le sable cinglant. La mer et l’amour repoussent les frontières de l’enfance et si le corps est pris dans les fils de la vierge, ainsi d’ailleurs que le cœur, le vent, vite, les en libère.

      Il y a donc, dans ce recueil, le bonbon de Cadou et celui de Fombeure. L’un, dur comme la roche, accompagne la tragédie de l’enfance. Et l’autre, fond comme le beurre. 

      C’est dans cette douceur des mots d’enfance que Jean-Noël Guéno termine son ouvrage avec deux magnifiques poésies qu’on appellera les poésies du tirmoir et de l’andouillon.

 

La cour aux tilleuls de Jean-Noël Guéno aux éditions Encres Vives Encres Blanches N° 827 Automne 2024 / 6.60€