Aux glaciers des siècles de bravoure
je rends l’hommage qu’on rend aux mourants
une visite émue à ce qui fut
mon pays de légendes
sauvage et triomphant
d’un inaccessible tourment
aux mille ventres d’effroi
aux passages d’insolence
et cette robe blanche
bien avant fêtes
revêtue
Au regard que je porte sur les lauzes des masures
s’éclairant lentement des rayons qui sautent la muraille
tout en profondeur
me reviennent les manières qu’avait Charles Ferdinand Ramuz
d’envelopper êtres
vie et violence de notre terre
dans des écrits rugueux et ciselés
Ainsi la montagne chut
Ainsi le soleil disparut
Ainsi la glace se rompit
Ainsi la terre grilla
et nous étions de cette grande terreur
humains revenus ou revenants
figés et immuables mortels
Aux êtres portés par une discrète sagesse
de démêler croyances et prétentions
quérir dans ce chaos une once de lucidité
et se réinventer
Photographie Jean-Marc Feldman