1. la naissance (muladhara)
la naissance a lieu un jour où la pluie fait jaillir la lumière
au grand jour il n’y plus d’ombres
on sent le cri qui s’écrase contre la peau de la nuit
une joie terrible se love dans son éclat futur
la pensée est l’œuf du souffle
situé à la base de la colonne vertébrale branché sur l’anus
or dur enfoui dans le limon où sommeille
le serpent enroulé dans sa coquille d’air comprimé
l’œil somnole pensant sa naissance
lieu de passage — entre-texte — béance
épousant l’univers par le trou de son orbite
l’afflux écarlate du souffle torsade les muscles et les ligaments
il y a des vitesses perceptibles à la seule ouïe
dans les quatre coins du corps
Gloses
i. Ce texte fut retrouvé à la base de ma colonne vertébrale. Je survivais en tant que racine ; chaque souffle me demandait un poids. J’étais éventuel. Deux siècles plus tard on retrouverait un autel fait d’ossements, avec une corde enroulée autour d’un coccyx, et une sève en poussière. Mais le roi ne parlerait plus de moi.
ii. Il y a une deuxième glose – mais cachée – qui exprime bien la vélocité paramétrique du papillon que je deviendrais. Elle est provisoire.
iii. Chaque sonnet cristallise une condition de parole. Le problème de l’existence (ou de l’inexistence) est posé dans les deux quatrains, et à la façon pétrarquéenne, la volta des tercets commente et tente de trancher le nœud ontologique et les rhizomes de la parole.
Note de l'éditeur : Le chakra qui signifie disque en rotation est un point d’énergie situé le long de la colonne vertébrale. Il en existe sept principaux dont chacun a une couleur de l’arc-en-ciel. Dans la doctrine religieuse du tantrisme, le Muladhara se situe au niveau du périnée. Sa couleur est le rouge. Il ancre notre corps à la terre.
Illustration L'Altérité