Epilogue
Selon une improbable et fantasque légende,
Les âmes des pauvres mourants
Se changent en poème et vont à la demande
Enchanter l’esprit des vivants.
Bien sûr, vous ne croyez pas aux métempsycoses,
Vous vivez avec votre temps...
Mais si vous refusez l’idée que je propose
Ne l’oubliez pas pour autant.
Car, n’ayant jamais cru à rien qui vous dépasse,
Postmodernes de peu foi,
A votre dernière heure et sentant la menace
D’une mort en plein désarroi
Vous en serez réduit, sur le funeste seuil
A forcer votre identité,
Et ne pourrez choisir qu’entre le vain orgueil
Et la médiocre humilité :
Les uns diront "je fus un être intelligent ! "
Mais l’ordinateur aujourd’hui
L’est aussi, parait-il, et plus correctement
Que mille cerveaux réunis.
Les autres gémiront des plaintes en cortège :
« Je suis faible, j’ai peur, j’ai mal ! ... »,
*Et mettront de ce fait leur honneur sacrilège
Plus bas que le moindre animal...
Bref, on ne prétend pas facilement au titre
Et attenante dignité
D’être humain pour en jouir à l’ultime chapitre
D’un destin tout désenchanté.
... Quand vous regarderez le ciel en y cherchant
Le prompt secours d’une croyance,
Que – vous précipitant vers quelque dieu méchant
Pour vous donner bonne conscience –
Vous prierez, soyez bons de dire à vos mémoires
Ce poème qui se termine
Et votre âme, changée en ma petite histoire
Pour échapper à la vermine,
Ira longtemps peut-être habiter dans des têtes
Tout occupées de poésie.
On y donne souvent de somptueuses fêtes...
Les invités ne sont choisis
Que parmi ceux qui croient aux fables des poètes.
Croyez-y, mortels, croyez-y !
Ilustration L'Altérité/Craiyon