Maïmaï est un roman à double détente dont on ne révèlera pas les ressorts. C’est un roman d’amour qui virevolte et un conte philosophique dont on vous cachera la problématique. Lisez les précédents romans de la pentalogie « L’ombre du chardon » d’abord ou ne les lisez pas et plongez-vous immédiatement dans Maïmaï. De toute façon, c’est en vous que se trouve la réponse à la question que pose Aki Shimazaki. Et si vous n’avez pas de réponse, l’auteure aura eu le mérite, avec beaucoup de simplicité et de fraîcheur, de vous pousser à vous interroger.
Tarô, fils de Mitsuko, est maintenant un jeune adulte de 26 ans. Il est artiste et mannequin comme sa compagne Mina. Il vit avec sa grand-mère, la maman de Mitsuko qui décède d’une crise cardiaque au début du roman à l’âge de 58 ans. Tarô accuse le coup avec la résilience propre à toute l’œuvre de Shimazaki. Il installe son atelier dans l’ancienne librairie de sa mère. C’est ici qu’il retrouve Hanako, la fille de madame Sato que fréquentait Tarô lorsqu’il était petit. Il tombe amoureux d’elle. Il quitte Mina qui accepte sa décision avec un stoïcisme, là encore, caractéristique des histoires que raconte Shimazaki où les ruptures sentimentales sont de l'ordre de la fatalité. Peu à peu, Tarô découvre les secrets que sa mère a emportés avec elle.
On retrouve dans le roman Maïmaï une trame similaire à celle qui compose les autres œuvres des pentalogies « Au cœur du Yamato » et « L’ombre du chardon ». Des phrases courtes racontent au présent des faits quotidiens mêlant le passé des personnages évoqués dans les romans précédents à des interrogations sur le sens de la destinée qui font progresser l’histoire autour d’une problématique servant de structure à l’intrigue. Soit le lecteur n’a pas lu les romans précédents et il s’identifie au héro dans une quête dont il suit les étapes avec les mêmes surprises et la même ignorance d’un futur qu’il n’appréhendera qu’à la fin du livre. Soit, il connaît les œuvres précédentes, et par conséquent la substance qui compose l’originalité relationnelle des personnages, et il accompagne le héros comme une sorte d’immanence quasi omnisciente. Dans le premier cas de figure, en effet, le suspense est successif au sens où le dénouement est l’aboutissement d’une suite de questions et de réponses auxquelles le lecteur est confronté en même temps que le personnage principal. La tension romanesque fonctionne comme une succession de ressorts qui se détendent au fur et à mesure que Tarô satisfait sa perplexité. Dans le second, en revanche, la tension s’accumule jusqu’au bout du roman car le suspense est exclusivement connecté au dénouement, porteur de ce que nous avons déjà appelé une morale factuelle c'est-à-dire une morale tissée par une succession de déterminants dont le lecteur a déjà connaissance. Les situations romanesques s’imposent par leur réalité et sont exclusives de jugement et de doxa. Elles alimentent donc la motivation du lecteur qui se demande bien tout au long du roman comment le personnage principal va réagir à la problématique posée et à laquelle il a lui-même déjà une réponse préconçue. Ainsi, Shimazaki nous pousse toujours à la réflexion, même au prix de la frustration. Car rappelons que, comme Socrate, elle n’a pas réponse à tout. Elle a question à tout.
Aki Shimazaki, Maïmaï chez ACTES SUD 2019, 2020