S’il est bien une question qui se pose, lorsqu’on lit « Soumission » de Houellebecq, outre celles, multiples, de savoir si l’auteur est islamophobe, provocateur, identitaire, nihiliste ou dépressif, c’est de savoir ce qu’il peut bien y avoir de romanesque dans cette production de 300 pages écrite, semble-t-il, au kilomètre, comme il le dit d’ailleurs, mais pour les 26 premières seulement, dans l’interview qu’il accorde à Sylvain Bourmeau le 17 décembre 2014.
Le mot roman est bien inscrit sur la première de couverture de l’édition Flammarion. Et l’histoire selon laquelle un parti musulman arrive au pouvoir en 2022, en France, devançant le Front National aux élections présidentielles, est tellement improbable qu’elle nous permet, a priori, de classer « Soumission » dans la catégorie du roman, voire du roman de politique fiction. Et pourtant, l’œuvre, si tant est que cet opus en soit une tellement il paraît bâclé, est si peu romanesque ! Houellebecq, ou François, a-t-il une si grande soumission à l’œuvre du maitre Huysmans et à son naturalisme pour qu’il accroche en permanence son récit à une réalité tellement anecdotique qu’elle leste vers le bas un travail qui participe plus d’une stratégie mercatique que d’une métaphore travestissant la réalité pour mieux la représenter ? Outre, d’ailleurs, cette évocation trop réaliste d’un monde dont il tente d’expliquer la confusion par un ordinaire, dont il faut bien le dire, le lecteur se fout – lecteur qu’il sous-estime en ne lui livrant que des repères d’une familiarité consternante ou dont il se moque en encadrant son œuvre dans un cahier des charges aussi simpliste qu’une sitcom – outre donc ce réalisme, il tente de justifier ses thèses par un galimatias d’auteurs tout aussi réalistes et de concepts dont la connaissance, tellement mal maitrisée, semble venir tout droit de la rédaction d’un élève pompant wikipedia. « Soumission » n’en est que plus confus. D’ailleurs, une autre question se pose de savoir à qui s’adresse ce roman. S’il s’adresse à l’élite intellectuelle pour laquelle Houellebecq a tant de déférence, on peut lui reprocher ses approximations et son populisme. S’il s’adresse au lecteur ordinaire, alors à quoi bon lui asséner tant d’assommantes références sinon pour le snober, le noyer, se faire valoir ou intimider, autant de mobiles qui n’ont rien à voir avec l’exercice de la littérature ?